Fuck America
Trois acteurs (Corinne Fischer, Bernard Bloch [...]
Spectacle jeune public à partir de huit ans, Même les chevaliers tombent dans l’oubli déconnecte couleur de peau et sentiment d’appartenance dans une pièce technologique et fantastique conçue par deux “débutants“.
Pour cette troisième édition de résidence jeune public initiée par le conseil général de Seine-Saint-Denis, Gustave Akakpo, comédien et auteur d’origine togolaise et Matthieu Roy, metteur en scène issu du TNS, ont répondu à une commande du CG93, articulant création théâtrale et activité de sensibilisation dans un réseau de théâtres du département. Belle initiative qui débouche donc, pour sa partie la plus visible, sur cette pièce pour laquelle auteur et metteur en scène font leurs premiers pas, ou presque, dans le domaine du jeune public. Cela se ressent, positivement, dans la mesure où cette pièce est avant tout contemporaine, tant sur le fond que sur la forme. S’y traitent les questions de l’identité, de la culture d’origine, de l’intégration et de la couleur de la peau – thématiques qui trouvent naturellement en Seine-Saint-Denis un écho tout particulier -, sur un plateau où le théâtre dialogue très habilement avec la vidéo, et dans un registre où le poétique prend parfois l’accent de la banlieue. Pour le dire vite. Pour le dire vite car on ne tombe jamais lors de ce spectacle dans l’imitation de l’habituel type 9.3. Mais on ne l’évite pas non plus.
Un mariage parfait du fond et de la forme
On flirte avec lui, on le théâtralise, on le transforme, on le stylise dans le corps et dans la voix, on le diffracte en de multiples personnages, on le fait passer de chair et d’os à image vidéo, d’enfant à adolescent, bref, on le floute pour mieux le saisir, on le remplit de cette diversité qui fait la richesse des hommes, de cette part insaisissable qui construit chacun, quand on vient de ces lieux qu’on appelle les quartiers. C’est là le message essentiel que véhicule cette pièce – chacun est fait de tous – dans un mariage parfait du fond et de la forme. En ce soir de première au théâtre des Bergeries de Noisy-le-Sec, le dispositif technique paraissait encore un peu encombrant, gênant pour le rythme, et l’histoire de George, jeune fille qui change de peau parce qu’elle est blanche mais africaine pourrait poser des problèmes de compréhension. Mais le principe narratif reste parfaitement accessible, la vidéo habile, les effets spéciaux spectaculaires juste ce qu’il faut et la langue drôle, poétique, quotidienne et stylisée à la fois. Le théâtre jeune public, c’est sûr, se régénère singulièrement avec cette pièce.
Eric Demey
Trois acteurs (Corinne Fischer, Bernard Bloch [...]