Le cœur du théâtre continue de battre !
Coup de cœur pour Charles Gonzalès et coup de [...]
Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil proposent un Macbeth empli de fureur et de beauté. Un théâtre aussi vivifiant que l’air d’Inverness ! Et une façon d’être alerté sur les routes qui conduisent au pire…
Quelle époustouflante mise en scène ! Et quel colossal travail ! La pièce déploie avec une maestria confondante l’effrénée et implacable course vers le pire qui saisit Macbeth, inscrivant l’ivresse de pouvoir qui le frappe et le métamorphose au cœur d’un monde sauvage et sophistiqué, un monde d’hier et d’aujourd’hui, cosmique et domestique, fantastique et historique. Autant d’aspects qui s’imbriquent, se répondent, et résonnent dans l’époque et dans notre époque, chacune avec son lot d’éternel et de conjoncturel. Autant de contrastes et de contraires dans l’âme humaine qui rivalisent et bataillent. Loin de se cantonner à un point de vue sur l’œuvre, loin d’une actualisation univoque, le théâtre d’Ariane Mnouchkine se confronte remarquablement à l’exceptionnelle richesse de cette matière littéraire, à la formidable entreprise de dévoilement que le texte met en oeuvre. L’ambition de ce théâtre est très haute, et le résultat est à la hauteur. Le retour de Macbeth au Château d’Inverness, dans un jardin délicieux (acte I scène 5 à 7), lieu bientôt souillé par le crime, ou le banquet autour du nouveau couple royal (acte III, scène 4) sont parmi d’autres des scènes captivantes d’une grande beauté.
Torture mentale
C’est avec nuance, netteté et clarté que l’horreur est en marche. « Le beau est immonde L’immonde est beau » : fameuse réplique au début de la pièce d’une des trois « sœurs fatidiques », leur prédiction qu’il sera roi va bientôt foudroyer la raison et l’honneur de Macbeth, et de son épouse, qui évince avec frénésie tout scrupule. Macbeth assassine le vieux roi Duncan, puis ceux qui nourrissent sa peur et l’entravent. Serge Nicolaï compose un Macbeth marquant. En commettant l’irréparable, le noble général, l’époux comblé pénètre dans une zone de non-droit total autant que de torture mentale, et son visage et son corps en sont transformés. Une quarantaine de comédiens – certains plus fragiles que d’autres – investit le plateau avec une maîtrise et une énergie sans faille. Les divers lieux – la lande, les châteaux, la forêt de Birnam… – sont matérialisés par de multiples et impressionnants décors, dont les changements à vue constituent un ballet millimétré et un savoureux spectacle en soi. L’artisanat du théâtre atteint ici des sommets. La musique de Jean-Jacques Lemêtre contribue à cette réussite. Après Richard II, La Nuit des Rois et Henri IV dans les années 80, ce retour à Shakespeare scintille « tel un météore dans la noire atmosphère »* !
Agnès Santi
*Coleridge à propos de Shakespeare, Table Talk, 1833.
Jusqu’au 13 juillet puis à partir du 8 octobre, du mercredi au vendredi à 19h30, samedi à 13h30 et 19h30, dimanche à 13h30. Tél : 01 43 74 24 08. Durée : 4h avec entracte. Texte publié aux Editions théâtrales, Théâtre du Soleil.
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