Deux yeux et un crayon : une pensée active
Arnaud Meunier met en scène Anne Alvaro dans [...]
Entre lyrisme et dépouillement, la metteure en scène Anne-Laure Liégeois projette la tragédie de William Shakespeare au plus proche de notre époque. Un très beau spectacle de troupe, qui éclaire les lignes de rupture de notre humanité.
Ils ont, tous les deux, quelque chose de profondément actuel. Lui, Macbeth (Olivier Dutilloy), et elle, son épouse, Lady Macbeth (Anne Girouard), qui l’entraîne sur la voie du meurtre pour accéder au pouvoir. A la faveur d’une nuit, il répond aux exhortations de celle qui lui tient le bras, tue Duncan (Philippe Houriet) et monte sur le trône d’Ecosse. Il devient roi. Elle devient reine. Dans le sang. Extirpés du moule des grandes figures tragiques par une mise en scène qui investit – avec une grande habileté – le champ du drame contemporain, les deux personnages de William Shakespeare renvoient à des êtres qui pourraient, c’est certain, faire partie de notre monde, de notre époque. Des êtres d’aujourd’hui, en smokings et robes de soirée, qui plient le réel à leurs désirs, à leurs besoins, à leurs pulsions les plus basses. Pris par la folie du pouvoir, enfermés dans leurs déséquilibres intimes, Macbeth et Lady Macbeth s’inventent une existence à leur démesure. Ils perdent pied, traversent le miroir de la raison pour ouvrir les yeux sur un cauchemar éveillé.
Du drame contemporain au cauchemar éveillé
Un cauchemar éruptif : des cris, des fureurs, de la boue, du sang, des cadavres, des sorcières qui courent nues et révèlent les perspectives d’un destin à double tranchant. Dirigeant d’une main de maître la troupe de seize comédiens qu’elle a réunie pour l’occasion, Anne-Laure Liégeois crée une version vive et personnelle de Macbeth (la metteure en scène cosigne la scénographie avec Alice Duchange et les costumes avec Elisa Ingrassia, les lumières sont de Dominique Borrini, la réalisation sonore est de François Leymarie). Une version pleine d’assurance, qui effectue un grand écart permanent entre une forme d’élégance tenue, dépouillée, et un lyrisme ouvrant les portes à l’effervescence de la salissure. Comme si la représentation venait pointer du doigt, dans son esthétique même, les ambivalences et les fractures du couple royal. Comme si, à travers elle, s’exprimaient les lignes de rupture qui amènent Lady Macbeth et son époux à glisser, à patauger dans les zones les plus noires de l’humanité.
Manuel Piolat Soleymat
Arnaud Meunier met en scène Anne Alvaro dans [...]