Faire revivre la mémoire brisée
C’est vraiment un très beau texte que crée [...]
Philippe Ulysse interroge le thème de la guerre et de la violence. Entre fiction et documentaire, il crée un « poème dramatique » inspiré de Macbeth de William Shakespeare.
Qu’est qui vous a mis sur la voie de cette création revisitant Macbeth ?
Philippe Ulysse : LʼOdeur du sang humain ne me quitte pas des yeux fait suite à un précédent spectacle – Vénus et Éros au purgatoire – dans lequel un couple régicide était condamné à revivre la scène du meurtre de leur roi. Suite à cela, lors d’une résidence effectuée au Théâtre Monfort, l’envie de travailler sur Macbeth s’est imposée à moi. Alors que je cherchais à tisser une intimité entre les acteurs et le texte de Shakespeare, je me suis rendu compte de ma propre brûlure, de la nécessité qui était la mienne de créer un spectacle sur le thème de la guerre. La présence de mon père, l’acteur Fred Ulysse, mobilisé trois ans en Algérie, une rencontre avec un jeune soldat tout juste rentré d’Afghanistan, la lecture des Cercueils de zinc, de Svetlana Alexievitch : toutes ces choses ont fortement marqué ce travail. Un travail dans lequel le meurtrier récidiviste qu’est Macbeth dévale la spirale infernale du mal. Il devient un soldat brisé ne trouvant plus le repos, un homme terrifié, fracturé, au souffle coupé, au visage éclaté. Il ne sait plus comment sortir de sa nuit, s’appuie sur sa femme pour se faire recoudre un visage humain…
« Ici, le théâtre cherche à saisir comment l’oppression politique parvient à marquer les individus. »
Vous définissez cette création comme un poème dramatique. De quoi se compose-t-il ?
Ph. U. : Ce poème dramatique s’attache à jouer le faux pour éclairer la vie. L’histoire se déroule de nos jours, dans un présent où Shakespeare n’est plus qu’une citation, plus qu’un souvenir. J’ai souhaité installer une grande proximité entre les acteurs et les textes. Cela, en associant matière fictionnelle et matière documentaire, en éclairant l’un avec l’autre. LʼOdeur du sang humain ne me quitte pas des yeux est constitué de surfaces multiples, de strates. Du sens naît de toutes sortes d’images, de références, de langues, de corps…
Quel regard, à travers ce spectacle, portez-vous sur la guerre et la violence ?
Ph. U. : Je ne pouvais sans doute choisir meilleure bataille que celle du drame de Shakespeare pour évoquer le véritable sujet de L’odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux, à savoir l’absurdité de la guerre et les traumatismes qu’elle crée sur les individus. Le contexte historique n’a, en fait, aucune incidence réelle sur le spectacle. C’est d’ailleurs une question qui sera rapidement évacuée. Ici, le théâtre cherche à interroger la façon dont nous pouvons affronter le réel, il cherche à interroger les corps, les corps déchus, contrariés, brisés. Les corps comme révélateurs des tourments ou des victoires. Ici, le théâtre cherche à saisir comment l’oppression politique parvient à marquer les individus dans ce qu’ils ont de plus intime.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
C’est vraiment un très beau texte que crée [...]