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Cinq ans après avoir porté à la scène L’Autre Fille, la comédienne Marianne Basler revient à l’écriture d’Annie Ernaux avec L’Événement. Dans ce bref roman paru en 2000, la lauréate du Prix Nobel de littérature 2022 décrit les circonstances de l’avortement clandestin qu’elle a subi en 1963. Marianne Basler s’en empare magnifiquement. Elle crée un moment de théâtre d’une puissance simple et rare.
A l’époque, Annie Ernaux avait 23 ans. Elle faisait ses études à l’université de Rouen. La loi Veil n’avait pas encore été écrite, votée, promulguée. En France, l’interruption volontaire de grossesse était interdite et pénalisée. La jeune femme qu’était alors l’autrice, apprenant qu’elle était enceinte, n’a pas eu d’autre choix, pour disposer librement de son corps et de sa vie, que de recourir à un avortement illégal, après avoir vainement tenté de procéder par elle-même, à l’aide d’une paire d’aiguilles à tricoter. Annie Ernaux est donc montée dans un train à destination de Paris. Elle s’est rendue chez ce qu’on appelait une faiseuse d’anges. Contre la somme de quatre cents francs en liquide, l’avorteuse lui a introduit une sonde dans le col de l’utérus puis, quelques jours plus tard, une autre, en remplacement de la première, qui n’avait pas produit l’effet espéré. Cette seconde tentative fut la bonne. Mais l’étudiante perdit beaucoup de sang. Une fois l’embryon expulsé, elle dut être transportée à l’hôpital et subir une intervention chirurgicale. Ce sont toutes les étapes de ce parcours effroyable que décrit Annie Ernaux dans L’Événement. Les mots de l’écrivaine — d’une précision, d’une exigence, d’une consistance sidérantes — révèlent le réel et le concret de manière magistrale, presque clinique : sans faire l’économie d’un seul geste, d’une seule pensée.
La vie et la mort en même temps
Au Théâtre de l’Atelier, on se laisse instantanément saisir par la force droite et nette de cette écriture sans fioriture. Elle nous est transmise grâce à la profondeur d’incarnation de Marianne Basler. Seule sur scène, au sein d’un espace quasi vide, la comédienne s’empare de L’Événement de façon impressionnante. Une chaise, une table, une pénombre persistante trouée par des faisceaux de clarté. Un visage qui nous fait face ou qui regarde ailleurs, vers les coulisses, un corps qui se déplace, le temps d’intervalles de silence. Un cri qui surgit comme un éclair, éclate comme un coup de semonce. Un extrait de La Javanaise, paisible, suave, chanté par Juliette Gréco… La mise en scène conçue par l’interprète crée une atmosphère à la fois d’intensité et d’intimité. Elle sied remarquablement à l’écriture d’Annie Ernaux. On pourrait dire que Marianne Basler est une admirable instrumentiste. Son jeu est coloré, rythmé, inspiré. Mais la matière théâtrale à laquelle elle donne corps est bien plus qu’une musique. L’actrice confère une puissance pleinement organique, implacablement universelle, à cette situation terrible, cette scène sans nom, « la vie et la mort en même temps », comme l’écrit l’autrice, une épreuve dont cette dernière a fait littérature pour qu’elle puisse nous parvenir et se déposer en nous. C’est une chose importante qu’elle a ainsi accomplie. Une œuvre essentielle qui nous frappe à l’esprit, au cœur, au ventre.
Manuel Piolat Soleymat
Les mardis et mercredis à 19h. Tél. : 01 46 06 49 24. Durée : 1h.
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