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Classique / Opéra

Les producteurs indépendants en danger de mort : rencontre avec Frédérique Gerbelle, Directrice de Céleste Productions et de la série « Les Grandes Voix »

Les producteurs indépendants en danger de mort : rencontre avec Frédérique Gerbelle, Directrice de Céleste Productions et de la série « Les Grandes Voix » - Critique sortie Classique / Opéra
Frédérique Gerbelle

Publié le 23 septembre 2020 - N° 286

 

Après plusieurs mois de confinement ayant eu pour conséquence l’annulation souvent coûteuse de nombreux concerts, les producteurs indépendants de la musique classique sont confrontés à un nouveau défi : supporter économiquement la contrainte de jauges réduites de moitié. Avec comme handicap supplémentaire et inexplicable l’exclusion de ces producteurs indépendants de la musique classique du système d’aide de compensation de billetterie récemment mis en place par le Centre national de la musique. Une décision aberrante lorsque l’on considère que ces producteurs, ne percevant le plus souvent aucune subvention, sont plus que tout autre acteur du monde de la production musicale dépendants de leurs recettes de concerts.

 

 

Quelles sont les conséquences directes et concrètes pour un producteur indépendant comme vous de la crise que nous traversons depuis quelques mois ?

Frédérique Gerbelle : Cela va maintenant faire 7 mois que nous sommes à l’arrêt total.  Dans notre cas, nous n’avons pas les  ressources techniques et financières pour des projets de streaming. Donc depuis mars, nous n’existons plus. Nous ne fonctionnons que sur la billetterie générée par notre activité de production, sans aucune subvention publique et ceci depuis 30 ans. Donc après nous avoir demandé d’annuler nos concerts et de rembourser tous les billets entre mars et juillet, nous devons maintenant  essayer de maintenir des concerts dans des salles à capacité réduite de moitié. Sachant que nous travaillons avec au minimum 18 mois d’avance, les programmes, les distributions, les conditions financières qui avaient été négociés alors ne correspondent plus à rien de ce qui est possible de faire aujourd’hui et dans les mois à venir. Notre saison 2020-21 est en vente depuis février, donc nous avions pris des engagements bien avant cette épidémie, vis à vis des artistes et des salles que nous nous sommes dans l’incapacité de respecter. Ça pose de vrais problèmes et abime des relations professionnelles basées sur la confiance, ce qui est vraiment terrible.

 

Dans ce contexte, comment réagit le public en cette rentrée ?

Frédérique Gerbelle : En ce qui concerne la vente des billets, nous accusons une baisse  de 40 à 50 % sur l’ensemble de la saison 2020/21. Et sur les quelques dates où nous avons vendu un peu plus que la jauge autorisée aujourd’hui nous sommes obligés d’arrêter la vente. Qu’en sera-t-il des mesures sanitaires au printemps ou cet été ? Dans le classique tout prend du temps, la programmation comme la vente. Le public hésite, n’a pour l’instant pas envie de se rendre dans des lieux clos. Espérons que l’appétence leur revienne. Il faut sans doute l’y aider. Depuis quelques années, chaque crise sociale nous fait perdre du public.

 

« Nous n’avions jamais demandé un centime d’argent publique en trente ans. Mais sans aide, dans quelques semaines, tout sera complètement anéanti, pulvérisé ! »

 

Vous sentez-vous entendue, comprise et finalement soutenue par les pouvoirs publics ?

Frédérique Gerbelle : Nous  bénéficions des dispositifs accordés aux TPE. Nous avons reçu aussi une aide du Centre national de la musique  pendant le confinement. Ce qui nous a aidé à maintenir la structure a minima. Mais depuis rien. Nous venons d’apprendre que les acteurs privés de la « musique classique » sont exclus de l’important  « dispositif de compensation des jauges  dégradées » piloté par le Centre national de la musique  qui souhaite réserver cette aide aux producteurs de musiques actuelles et de variété. Or ces fonds confiés par le Gouvernement au Centre national de la musique  sont de l’argent public destiné aux producteurs privés de toutes esthétiques (et pas seulement la musique de variété) pour rembourser les places invalidées par les mesures sanitaires. Tous les producteurs de « spectacles vivants musicaux, théâtre et cabaret » pourront en bénéficier mais pas nous. Pourquoi ? Mystère …

Que demandez-vous aux pouvoirs publics ?

Frédérique Gerbelle : Nous n’avions jamais demandé un centime d’argent public en trente ans, ni même fait un prêt et pour tout vous dire pas même généré un découvert à la banque ! Dans un secteur largement subventionné, nous sommes parvenus, par les ressources que nous générons, à participer à la vie culturelle de notre pays et ceci à un haut niveau. Il faut que nous ayons accès à ce dernier dispositif d’aide au spectacle vivant privé sinon dans quelques semaines tout cela sera complètement anéanti, pulvérisé !

Propos recueillis par Jean-Luc Caradec

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