Les Nègres
Théâtre de l’Odéon / de Jean Genet / mes Robert Wilson
Publié le 28 octobre 2014 - N° 225Robert Wilson met en scène Les Nègres, de Jean Genet. Splendide scénographie, remarquable travail des lumières, costumes somptueux, interprétation impeccable : un spectacle plastiquement parfait.
Dans le long prologue mimé devant un très haut bâtiment imitant les constructions en torchis, retentissent les déflagrations des bombes et des armes qui déchirent toujours l’Afrique. Il exprime, selon Ellen Hammer, dramaturge du spectacle, « les dangers auxquels les Noirs sont confrontés aujourd’hui », dans ces pays qui, s’ils ne sont plus les jardins d’agrément des puissances occidentales, continuent d’être leur terrain de jeu favori, entre gabegie instituée et exploitation rationnellement organisée. Lorsque s’ouvre le plateau, ce premier décor remontant dans les cintres, on découvre la scène du drame farcesque qui va se jouer : jugement de la cruauté bestiale des Noirs qui va se retourner en condamnation et mise à mort des Blancs. Les tableaux se succèdent comme des numéros de music-hall, et cette revue nègre en strass et paillettes habille ce texte cruel d’une forme ultra sophistiquée.
La forme au détriment du fond
Peau noire, mais masques blancs : la cour des notables est en hauteur. Elle se tient sur une estrade qui surplombe le spectacle qu’offrent les Nègres : celui du viol et du meurtre d’une femme blanche, objet de toutes les concupiscences supposées de ceux qu’on ravale au rang d’animaux puants et libidineux. Robert Wilson orchestre le show avec une maîtrise époustouflante du geste et du rythme. Les comédiens, vêtus aux couleurs d’un arc-en-ciel scintillant, dansent, chantent et disent le texte avec un talent et un abatage insolents. Les changements de scène se produisent comme par magie, et la qualité technique est à la hauteur des ambitions créatrices. Le formalisme esthétisant de ce spectacle éblouit nécessairement : comme un diamant parfaitement taillé, il brille de mille feux. Reste que le texte a tendance à se diluer sous la profusion d’effets, et que le discours acquiert le statut de matériau au même rang que tout ce qui permet la réalisation de l’ensemble. On n’entend plus Genet, mais on voit ce que son œuvre inspire à Robert Wilson.
Catherine Robert
A propos de l'événement
Les Nègresdu vendredi 3 octobre 2014 au vendredi 21 novembre 2014
Odéon-Théâtre de l’Europe
Place de l'Odéon, 75006 Paris, France
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h. Tél. : 01 44 85 40 40. Durée : 1h40.