Ils ne savaient pas qu’ils étaient dans le monde de Nolwenn Peterschmitt et Maxime Lévêque
« Performance sur la guerre » du jeune [...]
Nobélisé en 2019, l’écrivain autrichien Peter Handke fait entendre sa voix sur le grand plateau du Théâtre national de La Colline. Sa dernière pièce y est mise en scène par Alain Françon : une marche en forme d’errance le long d’une route départementale.
Pour sa nouvelle création, Alain Françon est de retour au Théâtre national de la Colline, institution qu’il a dirigée de novembre 1996 à janvier 2010. C’est là que le metteur en scène nous invite à cheminer en compagnie de l’écriture de Peter Handke, au bord d’une route départementale — lieu allégorique à la lisière du monde, à la lisière du temps, à la lisière de la réalité. Vagabondage dédié au rêve et à l’imaginaire, à la liberté d’être soi face aux contraintes et aux obstructions du contemporain, Les Innocents, Moi et l’Inconnue au bord de la route départementale (texte publié aux Éditions Gallimard) est à divers égards une expérience de la confrontation. Confrontation entre Moi (figure centrale de la pièce, incarnée par Gilles Privat, double de l’auteur se fractionnant en deux sous-figures : Moi l’Epique qui se fait le narrateur de sa parole ; Moi le Dramatique qui représente cette parole théâtralement) et les Innocents (femmes et hommes composant une humanité en butte à ses propres limites). Confrontation, également, entre une proposition théâtrale qui se cherche plutôt qu’elle se trouve et le public qu’elle pousse, ainsi, dans ses retranchements.
Une épopée sans guerre, un drame sans intrigue
Car l’avancée à laquelle il nous est donné d’assister n’a rien d’une promenade de santé. Au fil de quatre saisons, une multitude d’êtres défilent devant nous sans jamais réellement parvenir à imposer la chair et l’évidence de ce qu’ils sont, de ce qu’ils disent. Bien sûr, le décor de Jacques Gabel et les lumières de Joël Hourbeigt confèrent aux Innocents, Moi et l’Inconnue au bord de la route départementale un écrin scénique de toute beauté. Bien sûr, Dominique Valadié campe une Inconnue profondément singulière et poétique. Le monologue ornithologique auquel elle donne corps et voix en fin de représentation est l’une des scènes les plus belles et les plus touchantes du spectacle. Mais la grande comédienne ne peut, à elle seule, assurer la réussite d’un projet dont elle n’est pas la principale protagoniste. Saturé de tunnels et de clins d’œil (auto)référencés, le texte de Peter Handke offre davantage d’occasions de lassitude que de saisissement. L’auteur, par la voix de Moi l’Epique, le dit d’ailleurs lui-même, l’histoire à laquelle il a tenté de donner forme est « une histoire passablement trouée et rafistolée, (…) une histoire peut-être à peine transmissible ». On ne saurait mieux dire.
Manuel Piolat Soleymat
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30, le dimanche à 15h30. Durée de la représentation : 2h20. Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr
Également du 2 au 4 avril 2020 à la MC2: Grenoble, du 5 au 16 octobre au Théâtre national de Strasbourg.
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