La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2016 - Gros Plan

Les Fureurs d’Ostrowsky

Les Fureurs d’Ostrowsky - Critique sortie Avignon / 2016 Avignon Avignon Off. Théâtre Gilgamesh
Gilles Ostrowsky revisite l’Orestie, allegro furioso. Crédit photo : Ludo Leleu

Théâtre Gilgamesh / de Gilles Ostrowsky et Jean-Michel Rabeux / mes Jean-Michel Rabeux

Publié le 26 juin 2016 - N° 245

Gilles Ostrowsky et Jean-Michel Rabeux revisitent l’Orestie, allegro furioso, avec une énergie époustouflante, une drôlerie et une intelligence des enjeux de la tragédie absolument jubilatoires.  

Terrifiants et déments, davantage enclins à la vengeance et au meurtre qu’à la clémence et au pardon, les Atrides sont gens bien peu fréquentables ! Ils répandent entre les membres de leur parentèle ce qui jamais n’y doit couler : le sperme et le sang. Atrée accommode ses neveux en ragoût et offre à manger à son frère Thyeste la chair de ses enfants. Pour se venger, Thyeste viole et engrosse sa propre fille et arme Egisthe, le fils né de cet inceste, contre Atrée. A la génération suivante, Agamemnon sacrifie Iphigénie pour que le vent pousse les nefs hellènes vers Troie, et Clytemnestre, après dix ans de ressentiment, venge son tendron. Etape suivante, Oreste punit maman et restaure l’honneur ensanglanté de papa : fin de la vendetta antique ! Le spectateur, assis dans la lumière grecque ou dans les salles obscures des théâtres modernes, se console des désirs interdits qui asticotent son inconscient : voir les Atrides user du fer et du vit en se contrefoutant de leur surmoi nous permet de jouir par tranquille procuration de nos propres et inavouables pulsions. On quitte le théâtre horrifié, mais purgé. Gilles Ostrowsky et Jean-Michel Rabeux ont choisi de mettre en scène cette bienfaisante catharsis en la poussant aux limites du grotesque, avec un humour décapant.

 Un comédien éblouissant au service d’un texte jouissif

Gilles Ostrowsky tient en laisse les fureurs des personnages qu’il incarne et les affects du public. Il joue du rire et de la terreur comme un dompteur avec ses fauves. Tour à tour pythie inspirée, oracle fabuleux des antiques alarmes, héros dévoré par les implacables Erinyes, mais aussi conteur farfelu et goguenard (forcé d’admettre que l’histoire qu’il narre à grands renforts de sang et de têtes coupées est d’un déraisonnable achevé), le comédien use d’une palette chromatique absolument stupéfiante. Hoplite délirant pour Oreste, drag queen scintillante et vacillante pour Clytemnestre, enfermé dans la cage de la folie héréditaire, arpentant la scène en mimant les moutons qui gambadent autour de Pélopia ou les belettes qui sortent de la bouche de la malheureuse Cassandre, il est à la fois la légende et son exégèse, les fureurs et leur distanciation ironique, le corps saisi de la tragédie et l’esprit de son commentaire. La mise en scène de Jean-Michel Rabeux est efficace et précise, et joue, comme toujours dans le travail de cet homme de théâtre ultra intelligent, du rire et de la terreur. L’ensemble compose un vertigineux voyage dans les affres de nos premiers parents, dont nous sommes – coupables pourtant, forcément coupables – les héritiers délivrés par le testament du mythe. 

Catherine Robert

A propos de l'événement

Les Fureurs d’Ostrowsky
du jeudi 7 juillet 2016 au samedi 30 juillet 2016
Avignon Off. Théâtre Gilgamesh
11 Boulevard Raspail, 84000 Avignon, France

à 16h10. Tél : 04 90 89 82 63

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