Les Evaporés de Delphine Hecquet
Texte et mes Delphine Hecquet
Publié le 22 avril 2019 - N° 276Les Evaporés construit une fiction autour d’un phénomène social de grande ampleur au Japon : environ cent mille personnes y disparaissent chaque année sans laisser de trace.
Quel est ce phénomène d’évaporation dont traite votre spectacle ?
Delphine Hecquet : Ce que j’en sais est le résultat de ce que j’ai pu lire sur le sujet, de mon voyage là-bas et de mes discussions avec les acteurs du spectacle. Chaque année, environ cent mille japonais claquent la porte sur leur vie d’avant et s’évaporent dans la nature. Certaines personnes font même appel à des évaporateurs, qui vous aident à disparaître pour l’équivalent de 3000 euros.
Que deviennent ces évaporés ?
D.H. : On a peu de témoignages directs d’évaporés. Certains changent d’identité, d’autres gardent la même pour vivre ailleurs dans le pays et cherchent à retrouver un logement, un travail. Ce qui bien sûr est très difficile sans aucun appui. Pour beaucoup, ils semblent entamer une vie d’errance.
Pourquoi le phénomène est-il répandu au Japon ?
D.H. : Certainement parce que la question de l’honneur y est centrale. Un licenciement, un échec scolaire, un divorce sont des sources d’extrême déshonneur. De plus, l’obligation de réussite et de bonheur telle que l’impose la société y est très oppressante. La question de l’identité, également, est épineuse. En témoigne par exemple le fait que la langue japonaise ne permet tout simplement pas de dire « je ».
« Le plus insoutenable, c’était l’absence de réponse à laquelle les familles d’évaporés se retrouvaient confrontées. »
Comment vous êtes-vous emparée de ce sujet ?
D.H. : J’ai découvert ce phénomène dans un article du Monde qui m’a beaucoup intéressée. Il me semble qu’on a tous envie à un moment ou à un autre de tout plaquer dans notre vie. Puis j’ai lu un roman et un essai sur le sujet, qui le traitaient différemment. Je me suis dit qu’il fallait que j’arrive à écrire ma propre histoire, je suis donc partie effectuer ma propre errance au Japon, enquêter sur le sujet, mais aussi me perdre dans un pays dont je ne parlais pas la langue. J’en suis rentrée avec le sentiment que le plus insoutenable, c’était l’absence de réponse à laquelle les familles d’évaporés se retrouvaient confrontées. C’est cela que j’ai voulu porter sur scène.
Quelle forme prend Les Evaporés ?
D.H. : C’est une pièce en japonais surtitré, avec six comédiens japonais – qui vivent en France – et un français. Ce dernier joue le rôle d’un journaliste qui enquête sur ce phénomène. C’est le fil rouge de la pièce et le regard occidental qui se pose sur la société japonaise. Son enquête le conduit à rencontrer des gens évaporés, des familles, mais aussi à élaborer les fictions intimes qui viennent expliquer ces disparitions, faute de réponse.
Propos recueillis par Eric Demey
A propos de l'événement
Les Evaporés de Delphine Hecquetdu mercredi 5 juin 2019 au dimanche 23 juin 2019
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris
du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30. Le 8 à 17h, le 15 à 16h et 20h30. Tel : 01 43 28 36 36.