La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Estivants

Les Estivants - Critique sortie Théâtre
Crédit : Brigitte Enguérand Légende : Grands acteurs pour petits-bourgeois : rencontre au sommet de l’art théâtral.

Publié le 10 février 2010

Eric Lacascade signe une remarquable mise en scène des Estivants de Gorki et offre la rare et intense impression d’abolir l’artifice théâtral en le portant à sa quintessence spectaculaire.

Des situations inventées par Maxime Gorki, Eric Lacascade dit qu’ « il ne s’agit ni de les théoriser, ni de les commenter, ni de les imiter, il s’agit d’en être ». C’est peu dire que le metteur en scène réussit cette gageure de faire naître sur la scène les aventures balnéaires de ses personnages en provoquant l’extraordinaire impression d’assister au spectacle de la vie elle-même. Une maestria confondante d’aisance et d’élégance, une fluidité et une inventivité truculente dans les détails, une force implacable qui guide autant l’ensemble que chaque geste fait au plateau et devenu comme nécessaire dans l’évidence d’une économie générale parfaitement réglée : Eric Lacascade a écrit une partition impeccable qu’interprètent des comédiens en état de grâce. Il ne se passe rien, ou disons pas grand-chose, dans la journée de ces estivants qui s’occupent à tromper leur ennui existentiel et leurs désillusions entre farniente au soleil et fêtes enivrées et bavardes. Et pourtant, on est bientôt obnubilé par leur langueur, par leurs conversations interminables et leur vain combat contre la haine de soi et le mépris des autres, entre sentimentalisme et ressentiment, espoir et dépression, exaltation et cynisme.
 
La vie, sublime et dérisoire
 
Le décor est composé de cabines de bain mobiles dont les déplacements dessinent les différentes étapes de cette journée particulière, infiniment semblable sans doute à celles de bien des vacances et pourtant inimitable en ce que son déroulé est celui d’un drame qui vient trancher le nœud des attachements, des rêves et des aigreurs. Les comédiens sont tous éblouissants de justesse et parmi eux, Christophe Grégoire en Bassov et Millaray Lobos Garcia en Varvara – rôles pivots imposent sans doute mais fracassante aisance de l’interprétation oblige plus encore – sont hallucinants d’authenticité. Comme sans effort, sans que l’art ne montre sa peine, avec une aisance qui abolit le jeu, les membres de la troupe, dont pas un ne commet le moindre faux pas malgré l’intrication des répliques et des relations complexes qu’entretiennent les personnages, composent ensemble une symphonie des affects impeccablement réglée. Eric Lacascade signe avec ce spectacle la preuve éclatante de l’évidence de son talent de metteur en scène.
 
Catherine Robert


Les Estivants, de Maxime Gorki ; traduction d’André Markowicz ; adaptation et mise en scène d’Eric Lacascade. Les 3 (à 19h) et 4 mars (à 20h30) 2010 à la Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau. Avenue Victor-Hugo, 34200 Sète. Réservations au 04 67 74 66 97. Du 9 au 21 mars. Du mardi au samedi à 20h ; le dimanche à 17h. Les Gémeaux – Scène Nationale, 49, avenue Georges-Clémenceau, 92330 Sceaux. Réservations au 01 46 61 36 67. Du 14 au 16 avril au Théâtre National d’Aquitaine à Bordeaux et les 28 et 29 avril au Théâtre d’Evreux – Scène nationale. Spectacle vu au Théâtre National de Bretagne, à Rennes.

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