La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les enfants de Saturne

Les enfants de Saturne - Critique sortie Théâtre
© Alain Fonteray Michel Fau, Bruno Sermonne, Mathieu Elfassi et Laurent Pigeonnat pour un festin à la Titus Andronicus.

Publié le 10 octobre 2009

Malgré quelques fulgurances, la création d’Olivier Py souffre de son ressassement, sa démesure et sa grandiloquence plus pompeux que poétiques.

L’homme est au bout du rouleau. Il vit ici une terrifiante tragédie, une agonie convulsive, une destruction apocalyptique qui le conduit inexorablement jusqu’à la mort, même si à la fin l’espoir renaît par l’artifice de deux jeunes (lumineux Nour et Virgile) à dos de baleine, voguant vers des rives nouvelles. On est prévenu dès le début : « Si vous voulez voir un monde qui meurt, vous êtes aux premières loges. » Saturne le patriarche renonce à son enfant, à son journal, La République, quotidien symbole du “vieux monde“, d’une conception de la France et de l’Histoire, où la politique et la littérature pouvaient encore ensemencer les consciences. Il a trois enfants – en chair et en os ceux-là – qu’ils méprisent, Paul, Ans et Simon, indignes héritiers, et un fils illégitime qui travaille avec lui et lui a sacrifié sa main droite, Ré. « Je tuerai les enfants » prévient-il, avide et déterminé. Les mères sont absentes. Au cœur d’un univers cerné par une impressionnante forêt d’arbres blancs et nus comme un monde sans vie – la scénographie monumentale est signée Pierre-André Weitz -, les gradins des spectateurs pivotent pour changer de lieu : un bureau vieillot encombré de journaux (pour le travail), une chambre à coucher (pour assouvir des désirs interdits), un vaste salon de château quasiment vide avec piano (pour se retrouver en famille), et un cimetière avec son fossoyeur (pour tenter d’enterrer ses morts).

Noirceur d’un monde éteint
Le décor est planté, et le verbe est prêt à faire son office, à exprimer tant et tant d’extrêmes sentiments, pulsions, constats et colères, qu’il s’en épuise et perd de sa puissance poétique, comme s’il voulait rageusement apostropher le cosmos et la transcendance, rageusement déplorer la fin du monde jusqu’à perdre le contact et se noyer. Les comédiens, tous très bons, donnent pourtant magnifiquement corps à ce texte qui les emporte loin dans la noirceur d’un monde éteint (Amira Casar est si émouvante…). La pièce dont Olivier Py signe le texte et la mise en scène très maîtrisée fait notamment écho aux malédictions grecques, mais les personnages, clowns pathétiques au verbe ronflant ou au silence opaque, commettent ici incestes et humiliations en toute connaissance. Comment l’amour (question centrale dans la pièce) peut-il resurgir après tant de violence et de haine sourde ? L’autodestruction et la décadence atteignent ici le fond. Ballottés entre carillons mystiques, un Dieu ensanglanté et des prières sans Dieu, entre des pulsions de mort et des désirs de splendeur du monde, tous se débattent fiévreusement. Le miroir est grossissant à outrance, et l’art ici broie la vie trop pompeusement. 
Agnès Santi


Les Enfants de Saturne, texte et mise en scène Olivier Py, du 18 septembre au 24 octobre, du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, 75017 Paris. Tél : 01 44 85 40 40.

A propos de l'événement


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