La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Courtes Lignes de Monsieur Courteline

Les Courtes Lignes de Monsieur Courteline - Critique sortie Théâtre
Photo : Copyright Florent Barnaud Légende photo : Vieux Ménage (Stéphanie Papanian et Frédéric Jessua)

Publié le 10 janvier 2008

Du caf’conc’montmartrois et grivois à volonté, une preuve courtelinesque de santé scénique. Sébastien Rajon, meneur de la troupe Acte6, embarque son monde à hue et à dia.

On ne fait jamais dans la dentelle, toute délicatesse bannie, quand on fraye avec Courteline de près ou de loin, à la façon de Sébastien Rajon qui propose un montage de saynètes en alternance avec des chansons début de siècle de la butte Montmartre. Une sorte de cabaret gouailleur et vulgaire de pièces courtes.  Retenons quelques titres comiques de rengaines licencieuses à peine sous-entendues, comme Trompette et robinet ou bien La Raie que chante dans une gloire impudique l’astucieux Frédéric Ozier, un répertoire musical inepte autant que joyeux. Ce sont bien sûr les relations banales et quotidiennes du couple qui sont sévèrement mises à mal avec La Peur des coups, Mr. Badin, Le Gora ou La Paix chez soi… Des comportements répétitifs  pleins de bassesse, rapportés sans volonté d’enjolivement ni instinct d’idéalisation. Ainsi est jeté en pâture au public une suffisance crasse et pleutre de la part du menteur tandis que la femme assujettie et déresponsabilisée confie ses ennuis imbéciles à une amie indifférente, la maîtresse du goujat elle-même !
 
L’être n’est rien sans un alter ego même approximatif
 
Un regard délibérément satirique, cruel et méchant, fermé au moindre salut des deux belligérants. Que l’on écoute seulement les Vieux Ménages quand l’homme dit à sa douce moitié : « Ta sale gueule… Quelle corvée ! Ton odieux et repoussant visage… » Et toutes les femmes de répondre : « Les hommes ne nous aiment pas pour nous… pour eux-mêmes. » On a souvent reproché à Courteline une complaisance systématique dans la peinture des ronds-de-cuir et des cocus. L’écriture au vinaigre va finalement au-delà de la panoplie des stéréotypes. Derrière les apparences cuisantes d’échecs sentimentaux, c’est la recherche de la tendresse et du sentiment auquel tend désespérément l’être humain malheureux malgré lui. Qu’on soit issu d’un milieu populaire ou bourgeois, on n’est rien sans un alter ego même approximatif. Les comédiens de Sébastien Rajon défoncent la baraque : travail de la voix, chant, danse, jeu corporel – ils nagent comme des poissons ruffians dans cette eau courtelinesque divagante, dépassant les pics prosaïques du trivial et du grossier par-delà les manières et par-delà le langage. Avec l’énergie de Maline Cresson, Antoine Cholet, Marjorie de Larquier, Jonathan Frajenberg, Frédéric Jessua, Aurélien Osinski, Stéphanie Papanian et la musique de Grégory Veux.
 
Véronique Hotte


Les Courtes Lignes de Monsieur Courteline d’après Georges Courteline, programme de pièces courtes et de saynètes, mise en scène de Sébastien Rajon, mardi 19h, mercredi au samedi 20h, matinées exceptionnelles le 27 janvier 16h et 2 février 15h, du 17 janvier au 2 février 2008  à L’Athénée Théâtre Louis Jouvet 75008 Paris Tél : 01 53 05 19 19. www.athenee-theatre.com. Pièce vue au théâtre du Beauvaisis. 

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