Rêver peut-être
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Dans le cadre du projet « Notre chœur » au Théâtre de la Bastille, Adrien Béal créait la saison dernière Les Batteurs. Un singulier sextet qui poursuit sa route.
Dans Le Pas de Bême (2015), que vous reprenez en même temps que Les Batteurs au Théâtre de Gennevilliers, vous abordiez l’idée d’insoumission à travers une figure d’objecteur. Associez-vous aussi la batterie à ce thème ?
Adrien Béal : Plus qu’une insoumission, le geste du personnage principal du Pas de Bême, inspiré du roman L’Objecteur (1951) de Michel Vinaver, traduit une incapacité à agir et questionne la place de l’individu dans le groupe. Sujet que je place au cœur de ma démarche théâtrale, et que j’aborde dans Les Batteurs à travers la mise en scène d’une communauté qui n’a d’ordinaire pas la parole sur une scène de théâtre.
Quels ont été vos critères pour le choix des six musiciens que vous mettez en scène ?
A.B : J’ai cherché à constituer un groupe hétérogène dans les faits mais homogène dans l’intitulé. Si les six musiciens de la distribution ont des parcours très différents les uns des autres, tous sont en effet des professionnels ayant une pensée élaborée sur leur pratique. Ils représentent ainsi l’altérité pour le spectateur, tout en étant eux-mêmes traversés par des différences. Cela a été un moteur pour notre travail d’improvisation.
Ce travail a-t-il été très différent de celui que vous menez habituellement avec vos comédiens ?
A.B : Contrairement aux comédiens, les batteurs n’ont pas l’habitude de jouer ensemble. Ni de prendre la parole. Mais en mettant en place un cadre d’improvisation qui tient compte de leur rapport naturel au corps et à l’espace, j’ai pu les amener à se mettre en jeu. Mêlés à des lignes de fiction que j’ai écrites, leurs récits posent la question de la place de l’artiste dans la société d’une manière aiguë. À la fois virtuose et en décalage par rapport à la culture musicale officielle, le batteur est porteur d’un héritage complexe passionnant à explorer.
Un héritage lié à l’histoire de l’Amérique.
A.B : À une histoire de l’Amérique, en effet. Une histoire des marges, faite d’émancipation autant que de violence. Instrument du métissage, la batterie a très vite été liée à l’industrialisation. Dans le travail, les musiciens ont d’abord été réticents à l’idée d’être porteurs de cette histoire. D’où une fragilité des récits, et une subjectivité qu’il m’importe de rendre sur scène.
Propos recueillis par Anaïs Heluin
Du 12 au 16 octobre 2017, lundi et samedi à 20h, jeudi et vendredi à 20h30 et dimanche à 16h. Durée de la représentation : 1h30. Tel : 01 41 32 26 26. Également au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis (93) du 12 au 22 octobre 2017 , réservations : 01 48 13 70 00, www.theatregerardphilipe.com.