La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Acteurs de bonne foi

Les Acteurs de bonne foi - Critique sortie Théâtre
Crédit : Pascal Victor Légende : « Merlin, l’amuseur de théâtre salue un public féminin enchanté. »

Publié le 10 octobre 2010

Les Acteurs de bonne foi de Marivaux, comédie mi-tendre mi-amère sur les atermoiements du coeur, sous le grain raffiné et sensuel de Jean-Pierre Vincent.

Masques et mensonges, ce sont les stratégies élaborées par Marivaux afin de saisir au vif la transparence du sentiment amoureux, purifié de toute incertitude. Une façon de discerner le vrai du faux, la sincérité de l’hypocrisie, la franchise de la dissimulation, bref la « réalité » de l’illusion. Pour les maîtres, la leçon de théâtre dans le théâtre fait office de « chambre claire » grâce à leurs valets dont ils usent pour parvenir à leur propre désir d’élucidation. Les paliers des différents étages sociaux restent cloisonnés, et la campagne d’en bas reflète maladroitement la ville d’en haut. Dans Les Acteurs de bonne foi, grâce à la dot dispensée par sa tante, Éraste s’apprête à épouser Angélique. Pour remercier la bienfaitrice, le jeune maître fait appel à son valet de chambre, Merlin, qui organisera un divertissement. Manipulateur, Merlin en profite pour jeter sur le plateau le canevas d’une intrigue de son goût. Amant de Lisette, suivante d’Angélique, le metteur en scène n’en « joue » pas moins à courtiser Colette, la fille du jardinier, que Blaise, le fils du fermier, aime de son côté. Mais ce dernier ne voit pas le jeu de cet œil-là, de même Lisette agacée par les marques d’inclinations appuyées entre Merlin et Colette.
 
Fraîcheur obstinée
 
Or, faire semblant de faire semblant, c’est avouer. Les maîtres cyniques rient de la souffrance non maîtrisée de leurs valets. Une occasion nouvelle de rire se présente quand la prude mère d’Angélique se refuse à assister à la représentation. En guise de représailles, la dame de la ville feint de rompre l’engagement entre son neveu et Angélique, aussitôt remplacée. La mère repentante réclame qu’on joue la comédie : « … et si ce n’est pas assez, qu’on y joigne l’opéra, la foire, les marionnettes… » Elle tente elle-même de diriger les comédiens récalcitrants. Le metteur en scène Jean-Pierre Vincent entend bien faire l’éloge à son tour de l’art du théâtre, vilipendé par Rousseau. Le plateau donne à entendre une bande sonore suggestive de l’espace rural de plein air – coq matinal, poules et oies, vache beuglante -, à l’intérieur du cadre de bois lumineux d’œuvres picturales – Fragonard, Watteau, Greuze -, parsemées de fleurs et de foin odorant. La comédie douce-amère provoque une réjouissance à travers la fraîcheur obstinée de ces acteurs de bonne foi, dont la coquine Colette (Pauline Méreuze). La mère d’Angélique (Annie Mercier) insuffle à l’intrigue une détermination sans faille. Laurence Roy, la tante citadine loyale, aime à se divertir avec gaieté. Le paysan Blaise (Olivier Veillon) incarne la sincérité. Une promenade de campagne sur les chemins raffinés du cœur.
 
Véronique Hotte


Les Acteurs de bonne foi, de Marivaux ; mise en scène de Jean-Pierre Vincent. Du 17 septembre au 23 octobre 2010. Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 15h30. Théâtre Nanterre-Amandiers 7, avenue Pablo Picasso 92000 – Nanterre. Tél : 01 46 14 70 00. Durée : 1h20

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre