Portrait de Ludmilla en Nina Simone
C’est l’un des huit portraits-spectacles [...]
Retour à Avignon de cet objet théâtral de haute tenue, à la fois documenté et subjectif. Bernard Bloch adapte pour la scène son récit intitulé Dix jours en terre ceinte, fondé sur un voyage en terres palestiniennes et israéliennes.
La résolution du conflit semble toujours aussi lointaine, voire impossible. Particulièrement brûlant, le sujet suscite souvent des réactions passionnées voire acharnées et haineuses (ce qu’on nomme antisionisme d’ailleurs rejoint de façon manifeste la veine d’un antisémitisme obsessionnel). Il en faut plus pour décourager Bernard Bloch. Avec une intelligence dramatique remarquable, il construit un objet théâtral original de très grande qualité, qui réussit cette prouesse de conjuguer la mise à distance et la proximité empathique, de faire entendre la multiplicité complexe des voix qui habitent cette terre, de commenter par des traits précis les discordances et les oppositions des protagonistes. Avec une subjectivité délibérée, traversée d’émotions violentes et de réflexions aiguës, et parfois un humour percutant. La pièce adapte et porte à la scène un récit intitulé Dix jours en terre ceinte (Editions Magellan & Cie), qui résulte d’un voyage en 2013 des deux côtés du miroir. En Cisjordanie d’abord, seul juif au milieu d’un groupe de catholiques de gauche désireux de rencontrer la société civile palestinienne. Puis en Israël auprès de sa famille, où il n’est pas retourné depuis sa Bar Mitsva à 13 ans à Jérusalem au début des années 1960.
A la fois pro-palestinien et pro-israélien
Comme l’indique le titre complet de la pièce Le voyage de D. Cholb ou penser contre soi-même, Bernard Bloch ne souhaite pas faire de cette pièce une confession personnelle, il vise au contraire à tendre vers l’en commun, à mettre en avant la richesse humaine des rencontres, la découverte et la reconnaissance de l’altérité. Son histoire, qui s’appuie notamment sur sa « judéité paradoxale » et son désaccord avec la politique israélienne, lui fait considérer qu’il est à la fois pro-israélien et pro-palestinien. L’entreprise dépasse les impératifs du théâtre documentaire en imbriquant les dimensions spécifiquement historiques et totalement subjectives. C’est à un parcours sensible qu’il nous convie, et certainement pas à une restitution idéologique. Ainsi, c’est son grand camarade et complice Patrick Le Mauff qui endosse le rôle de D. Cholb (anagramme de son nom), tandis que lui-même demeure en retrait, et cependant actif, à l’écoute et en dialogue avec le récit de Cholb. Ce « moi déplacé » et l’interaction qui en découle permettent d’interroger d’autant mieux les impasses, de commenter, souligner ou dénoncer vivement tel ou tel fait ou opinion. Pour peut-être faire bouger les lignes. Un musicien, Thomas Carpentier, les accompagne. Les personnes rencontrées – prêtres, journalistes, militants, ancien soldat… – apparaissent quant à elles pour la plupart à l’écran, réinventées et interprétées par divers comédiens. La scénographie simple et efficace fait écho au cheminement de la pensée, à la recherche obstinée d’élucidation. Une recherche minutieuse, inquiète, éprise de liberté et de justice.
Agnès Santi
à 18h30, relâches les 12 et 19 juillet. Tél : 06 65 61 11 74.
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