Noces de sang
« Mélodrame au titre accrocheur » dira [...]
Avignon / 2015 - Entretien Pierrette Dupoyet
Repère indéfectible d’Avignon, l’auteure, metteure en scène et comédienne Pierrette Dupoyet met en oeuvre un théâtre humaniste à travers trois spectacles.
Qu’est-ce qui vous intéresse dans le parcours de Marie Curie ?
Pierrette Dupoyet : Marie Curie m’intéresse pour son parcours phénoménal de chercheuse, de pionnière, à une époque où les femmes n’avaient ni l’occasion ni l’espace pour s’exprimer vraiment librement, mais aussi pour sa façon de mener de front sa vie personnelle et son engagement scientifique. J’ai souvent ressenti une injustice à l’entendre systématiquement associée à son mari, Pierre. Ils ont, bien entendu œuvré ensemble mais elle a continué son parcours en solitaire pendant près de trente ans après la disparition de son époux. J’ai eu l’honneur de rencontrer la petite-fille de Marie Curie, Hélène Langevin, qui m’a donné quelques pistes de réflexion sur la personnalité affirmée de sa grand-mère. Dans le spectacle, on voit Marie Curie chercher, douter, s’interroger, être littéralement « habitée » par sa soif de progrès, mais on la verra aussi avec ses deux filles. Sous la scientifique rigoureuse, on découvre une grande sensibilité et un amour infini de l’Humain.
Vous présentez aussi un spectacle consacré à Jean Jaurès, que vous avez créé en 2013…
P. D. : Je m’intéresse aux grandes destinées, et plus particulièrement aux êtres qui, par leurs écrits, leurs actes ou leurs combats, ont oeuvré au progrès de l’Humanité. Jaurès, que j’évoque ici à travers la figure de sa femme Louise, est de ceux-là. Rigoureux, audacieux, orateur hors pair, il a pris la parole pour défendre ceux que l’on méprisait. J’évoquerai ses discours, qui sont toujours d’une brûlante actualité. Cent ans après son assassinat, sa parole résonne encore car elle était pétrie d’humanisme et de bonté.
Comment abordez-vous à travers la représentation théâtrale Au nom de… le thème de l’enfance maltraitée ?
P. D. : La maltraitance est malheureusement un sujet intemporel et universel. J’ai senti le besoin, il y a quelques années déjà, de chercher à comprendre ce que pouvaient ressentir ces enfants que l’on oblige à se prostituer, à mendier, dont on abuse en toute impunité. Le texte a été nourri de témoignages (médecins scolaires, assistantes sociales, dépositions dans les comissariats…), après quoi le travail de dramaturgie a permis de placer des émotions au cœur de situations multiples. Il s’agissait de prendre la parole pour ces enfants bâillonnés dont la plupart ne savent même pas nommer la violence dont ils sont victimes. En 1959 une Déclaration des Droits de l’Enfant a été rédigée, et elle est tous les jours bafouée dans une indifférence criminelle.
Pensez-vous que le théâtre puisse contribuer à une forme de prise de conscience ?
P. D. : Oui ! J’en suis persuadée, et cela se vérifie en permanence. Le Théâtre est un merveilleux porte-voix. Pourquoi dans les pays totalitaires les artistes sont-ils les premières victimes ? Parce que l’art est intrinsèquement subversif en cela qu’il aide l’homme à rêver, à grandir, à s’évader, à prendre conscience, à progresser… Victor Hugo avait compris, il y a déjà deux siècles, que par l’instruction on pouvait sauver des vies et faire rayonner des cœurs. « Chaque enfant qu’on enseigne est un Homme qu’on gagne », dit-il en 1853…
Propos recueillis par Agnès Santi
à 11h35. Tél : 04 90 27 36 89. L’Albatros, 29 rue des teinturiers. Au nom de…Du 4 au 26 juillet à 14h30. Tél : 04 90 86 11 33. La Luna, 1 rue Séverine. Marie Curie, ou la Science faite Femme Du 4 au 26 juillet à 17h50. Tél : 04 90 86 96 28. Tél : 06 87 46 87 56. A lire: 30 ans au coeur du Festival d'Avignon par Pierrette Dupoyet.
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