L’occasion fa il ladro
L’opéra de Rossini est donné en version de [...]
Classique / Opéra - Entretien / Michaël Levinas
Après Gogol (l’opéra Go-Gol, d’après la nouvelle Le Manteau), Genet (Les Nègres) et Kafka (La Métamorphose), le nouvel opéra de Michaël Levinas s’empare des mots et de l’esprit de l’œuvre d’Antoine de Saint-Exupéry. Une œuvre, dit-il, marquée par la grâce.
Est-ce la dimension universelle de l’œuvre qui vous a d’abord attiré ?
Michaël Levinas : Toute personne, dans toute culture et de toute génération, connaît quelque chose du Petit Prince. Le public connaît le texte autant que ceux qui le chantent. Une telle expérience n’arrive qu’une fois ! De plus, les événements récents donnent au Petit Prince une actualité radicale : ce message essentiel, l’universalité des droits de l’homme, des valeurs d’humanité et de démocratie, c’est la langue française qui l’a délivré au cœur de la guerre.
Avez-vous pensé l’œuvre pour un public d’enfants ?
M. L. : Le Petit Prince est un livre pour adulte publié sous une forme enfantine. Mais il ne faut pas croire que les enfants ne voient dans Le Petit Prince que l’imagerie. Il y a dans l’écriture de Saint-Exupéry une exigence, une poésie de la grâce dans laquelle ils peuvent se retrouver, et c’est cela que j’ai recherché.
Est-ce que cela implique une écriture particulière ?
M. L. : Avant tout, un texte chante ou ne chante pas. Celui de Saint-Exupéry chante de façon très particulière, dans un héritage qui remonte aux contes pour enfants, à cette extraordinaire invention de Charles Perrault : « Il était une fois… ». C’est quelque chose que l’on peut retrouver dans des films anciens jusqu’à ceux de Clouzot. C’est une langue qui chante au compositeur des comptines d’enfant. Ça a été pour moi un extraordinaire dépaysement par rapport à mon héritage direct de la musique contemporaine.
Une simplification de l’écriture ?
M. L. : Au contraire, c’est l’une de mes pièces les plus travaillées sur le plan de l’instrumentation. Le langage musical permet de styliser l’action, en une « chorégraphie de la phrase » qui est pour moi une des grandes leçons de Mozart. Je peux ainsi approcher cette grâce du texte dont je parlais, par exemple dans la scène où le Petit Prince déclare son amour à la Rose : « Comme tu es belle ! ». Cela tient aux désinences des voix d’enfant, telles qu’on les entend dans les chœurs d’enfants du répertoire sacré, dans le rôle du petit Yniold de Pelléas et Mélisande ou dans celui de l’Ange musicien du Saint François d’Assise de Messiaen.
Le rôle cependant est confié à une chanteuse.
M. L. : Il était impossible de le confier à une voix d’enfant. Avec la soprano Jeanne Crousaud, j’ai trouvé une chanteuse qui a une expérience du baroque, de la virtuosité dans l’aigu, une technique de bel canto et la mémoire que l’on attend d’une interprète du répertoire contemporain.
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun
Les 9, 11 et 12 février à 20h. Tél. : 01 40 28 28 40.
L’opéra de Rossini est donné en version de [...]