La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Neveu de Wittgenstein

Le Neveu de Wittgenstein - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Philippe Delacroix Légende photo : « Serge Merlin modèle la prose de Thomas Bernhard à sa mesure. »

Publié le 10 octobre 2007

Sous la direction de Bernard Levy, Serge Merlin donne corps au narrateur du Neveu de Wittgenstein, l’un des récits les plus éclatants de Thomas Bernhard. Une demi-réussite.

Colère. Rire. Dépit. Tristesse. Ironie… Serge Merlin se saisit du Neveu de Wittgenstein à bras-le-corps, maniant les silences, les accélérations, les atermoiements, variant continuellement les intonations, cadençant les effets. Cela pour donner à entendre sur un plateau de théâtre le récit autobiographique au sein duquel Thomas Bernhard relate la profonde amitié qui le lie à Paul Wittgenstein, neveu de Ludwig. Le comédien fait feu de tout bois, déploie toute l’ampleur de son talent et de sa présence si particulière pour composer un monologue vivant, sensible, concret… De bout en bout, seul sur scène, sans imposante scénographie, Serge Merlin tient ainsi le public sous son charme. Parvient-il pour autant à rendre compte de la puissance, de la rareté de l’œuvre littéraire dont il s’empare ? Pas entièrement. Car Bernard Levy n’a pas su le mener sur le chemin de la langue. Se contentant de raconter une histoire, s’attachant démesurément à la psychologie, le comédien et le metteur en scène passent par pertes et profits l’appréhension du souffle et du flux bernhardiens.
 
Un ton qui manque                                                                                 
 
Serge Merlin interprète en effet le Neveu de Wittgenstein, non à l’endroit des enjeux littéraires contenus dans le récit de Thomas Bernhard, mais à celui de sa propre personnalité, de son propre reflet artistique. Ainsi, il manque un ton à la représentation conçue par Bernard Levy. Un ton – à la fois fluide et effilé – qui pourrait faire écho à la manière fascinante dont l’écrivain autrichien use d’une forme d’étirement, d’empilement, d’humour clandestin, insidieusement coupant, d’un souci obsessionnel du rajout, du prolongement, de la protubérance… Sans se préoccuper de ces particularismes, le comédien investit cette prose complexe et retorse comme n’importe quelle autre : de façon efficacement illustrative et naturaliste. Restant à la surface de la narration, ne cherchant ni le contre-pied ni l’exploration, la performance de Serge Merlin semble vouloir se suffire à soi-même. Prenant le pas sur l’acuité littéraire, elle éclipse l’écriture de Thomas Bernhard pour devenir la lumière centrale de ce projet théâtral.
                                                                                                                     
Manuel Piolat Soleymat


Le Neveu de Wittgenstein, de Thomas Bernhard ; mise en scène de Bernard Levy. Du 27 septembre au 26 octobre 2007. Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h00. Relâche les lundis ainsi que les dimanches 7 et 14 octobre. Théâtre National de Chaillot, 1, place du Trocadéro, 75116 Paris. Réservations et renseignements au 01 53 65 30 00.

En tournée au Théâtre de Vidy-Lausanne, du 31 octobre au 18 novembre 2007 ; au Parvis – Scène Nationale de Tarbes, le 21 novembre ; à la Scène Nationale de Sénart, du 11 au 15 décembre, rens 0160345360.

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre