« Entre chiens et louves » de la cie Cirque Le Roux
Pour sa quatrième création, le Cirque Le Roux [...]
Le Munstrum, talentueuse compagnie co-fondée par Louis Arene et Lionel Lingelser, réinvente la tragédie shakespearienne, condensée en une insatiable et outrancière spirale du meurtre. Un spectacle total, qui expose avec force le mal et ses ravages. Catharsis ou pas ? C’est la question !
Puissamment spectaculaire, l’esthétique du Munstrum crée des rituels hors normes, mettant en jeu un corps performatif qui raconte, qui se transforme. On se souvient de leur mise en scène tranchante du texte Le Chien, la Nuit et le Couteau de Marius von Mayenburg (2017), de la transe joyeusement démesurée 40° Sous zéro (2019) d’après Copi, de la saisissante dystopie animalière Zypher Z (2021), du poignant Les Possédés d’Illfurth (2021) de Lionel Lingelser. Dans ces pièces émergent la conscience d’un monde en plein chaos, le désir aussi de faire place à la joie. Il n’est donc pas incongru que le Munstrum, dont les pièces souvent rejoignent les thématiques du monstre – face à nous et en nous –, de la métamorphose, du basculement d’un monde, affronte aujourd’hui l’un des poèmes shakespeariens les plus sombres, où un capitaine qui se rêve roi s’enferme dans son ambition jusqu’à se faire tyran sanguinaire. La partition shakespearienne, réécrite par Lucas Samain en collaboration avec Louis Arene, a été resserrée et traduite en un spectacle total qui s’éloigne du contexte historique et des canons habituels du théâtre. Ici le texte n’est qu’un élément parmi d’autres. Tous les outils théâtraux sont mobilisés – de la machinerie sophistiquée aux lumières aiguisées, du son contrasté aux costumes extravagants, sans oublier le masque seconde peau, révélateur cher au travail du Munstrum. Et au sein de ce jeu démultiplié le corps en mouvement s’affirme dans tous ses états. Celui du roi finit littéralement nu comme un ver. Leur désir de monter Makbeth (avec un k) est né « car la douleur de ce monde est insupportable ». Dans une veine crue et crépusculaire brouillée par l’irruption de la bouffonnerie, la pièce commence sur une lande minérale, champ de bataille avec soldats l’épée à la main, empli de bruit et de fureur. Les tripes s’étalent, le sang gicle. Tout au long de la pièce, variation cauchemardesque autour de la tragédie initiale, le meurtre règne, faisant place par petites touches à la modernité et au grotesque.
Le mal se répand
Le roi ventru Duncan est ainsi décoré d’une cape avec pompons et d’un sceptre en forme de tringle à rideaux. Voilà même qu’au cœur d’un combat avec épées il nous semble voir un club de golf… Assailli par le doute et la peur, plutôt naïf, Makbeth n’a rien d’un stratège. Louis Arene endosse le rôle avec maestria. Avec sa crinoline qui recycle une tente de camping, Lady Makbeth, acolyte zélée du Roi, est incarnée par l’excellent Lionel Lingelser. Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Anthony Martine, François Praud et Erwan Tarlet excellent. Ce sont tous et toutes des athlètes de la scène. Quant aux sorcières, elles sont devenues des créatures organiques noires et visqueuses, plastiquement impressionnantes, auxquelles fait écho la bile noire qui s’échappe des lèvres des protagonistes. Nul besoin de prophéties, le mal est là, à l’intérieur, prêt à se répandre, hantant les esprits et corrompant les sociétés. Un étonnant personnage de Fou, celui qui souvent dit vrai, est là pour jouer et pour tuer. L’habituelle tension entre le rire et l’effroi qu’active le Munstrum laisse place ici à une macabre rêverie sur le mal, où l’outrance peut paraître trop appuyée, adossée à une spirale sanglante. Comment représenter, mettre à distance, ouvrir des voies autres que la destruction et la douleur ? Face à l’invisible avenir des gestes patiemment travaillés comme ceux du Munstrum s’y attellent de toute leur force d’artiste.
Agnès Santi
à 20h. Tél : 01 55 48 91 00.
Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris. Du 20 novembre au 13 décembre, du mercredi au vendredi à 19h30, samedi à 18h30, dimanche 23 novembre à 15h. Tél : 01 44 95 98 00. Durée : 2h10. Spectacle vu aux Célestins, Théâtre de Lyon.
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