Celui qui tombe
Acrobate, jongleur et metteur en scène, Yoann [...]
Après une première adaptation du film de Rainer Maria Fassbinder réalisée en 2007, Thomas Ostermeier a recréé, l’année dernière, Le Mariage de Maria Braun. Une nouvelle occasion, pour le metteur en scène allemand, d’éclairer les dérives des sociétés ultralibérales.
Sorti dans les salles de cinéma en 1979, Le Mariage de Maria Braun (à l’écran, le rôle-titre est interprété par Hanna Schygulla) retrace l’existence d’une femme, en Allemagne, de la fin de la Seconde guerre mondiale jusqu’au milieu des années 1950. Mariée à un soldat alors que des bombes tombent encore sur son pays, Maria Braun va en tuer un autre, laisser son époux endosser la responsabilité de cette mort, puis s’abandonner aux injonctions de la réussite sociale et du confort matériel rendus possibles par la fin de la guerre. Liant le destin de cette femme ambitieuse à la reconstruction d’une Allemagne devenue, depuis, la championne de l’Europe capitaliste, Thomas Ostermeier souhaite une nouvelle fois dénoncer les errances de nos sociétés ultralibérales.
Un monde peuplé d’individus interchangeables
Composant une représentation resserrée autour de cinq comédiens (Ursina Lardi incarne Maria ; Thomas Bading, Robert Beyer, Moritz Gottwald et Sebastian Schwarz prennent en charge les autres protagonistes), le directeur artistique de la Schaubühne crée une mise en scène anguleuse au sein de laquelle les changements de personnages s’effectuent à vue. Chaque interprète masculin passe ainsi d’un rôle à un autre (féminin y compris) à l’aide d’un accessoire, d’une coiffe ou d’un élément de costume. Eclairant de la sorte un monde peuplé d’individus interchangeables, cette adaptation du Mariage de Maria Braun dénonce nos lâchetés et nos aveuglements. Elle effectue un pont entre l’Allemagne de l’après-guerre et celle du XXIème siècle, rejoignant ainsi l’un des principes fondateurs du théâtre de Thomas Ostermeier : « parler d’aujourd’hui », « raconter quelque chose de nos vies à nous, de la réalité qui nous entoure »*.
* Cf. l’interview de Thomas Ostermeier parue dans La Terrasse n° 200, Avignon en scène(s) 2012.
Manuel Piolat Soleymat
à 20h30, le dimanche 28 juin à 15h. Relâche le 29 juin. Durée : 1h45. Spectacle en allemand surtitré en français. Tél. : 01 42 74 22 77.