Le duo d’artistes formé par Christian Hecq et Valérie Lesort met en scène « La Petite Boutique des horreurs »

Vous mettez en scène La Petite Boutique des horreurs en 2022 à l’Opéra-Comique, maison dont vous êtes habitués, à la demande du directeur du lieu Olivier Mantéi et du chef d’orchestre Maxime Pascal. Pourquoi avoir décidé de reprendre ce spectacle cette saison au Théâtre de la Porte Saint-Martin ?

Christian Hecq et Valérie Lesort : Comme toutes les créations de L’Opéra-Comique, cette Petite Boutique des horreurs a mobilisé des moyens humains et matériels très importants. C’est là l’un des grands bonheurs pour nous de travailler régulièrement dans cette maison : nous pouvons déployer des univers esthétiques d’une grande ampleur et exigence. Toutefois les spectacles que l’on met tant de temps et de passion à créer se jouent très peu de temps, ce qui peut être frustrant ! C’est ce qui s’est passé pour nous avec la Petite boutique. D’où notre désir de le reprendre.

Dans sa version originale à L’Opéra-Comique, le spectacle présentait des effectifs instrumentaux largement supérieurs à la comédie musicale dont il s’inspire, écrite par Howard Ashman et composée par Alan Menken en 1982. Qu’en est-il aujourd’hui ?

C.H. et V.L. : Nous revenons ici à un groupe beaucoup plus réduit, en cela plus proche de la comédie musicale que vous citez, elle-même adaptée d’un film réalisé en 1960 par Roger Corman. L’univers visuel très fort du spectacle est par contre le même. Soit un décor que nous avons voulu le plus immersif possible, habité par des personnages dingues et par une plante carnivore, véritable héroïne de l’histoire !

« Nos créatures se veulent aussi drôles qu’impressionnantes. »

Cette plante carnivore est apportée par un fleuriste, Seymour, dans la boutique de son patron qui le malmène ainsi que sa collègue Audrey qu’il aime en secret. Elle fait le succès du jeune homme mais réclame sans cesse plus de sang… Voilà un argument propice à bien des jeux. Quels sont ceux que vous avez développés ?

C.H. et V.L. : Le jeu principal réside dans la représentation de la plante. Pour chaque adaptation de cette histoire, que ce soit en film ou en comédie musicale, il s’agit là d’un enjeu central : le public connaisseur jugera le résultat en fonction des mises en scène précédentes de la plante, qui a un statut quasi-mythique dans la culture populaire. Alors que beaucoup de végétaux précédents faisaient carton-pâte, nous avons opté pour la réalisation la plus réaliste possible sous forme de marionnettes construites par notre collaboratrice de longue date Carole Allemand. De trois tailles différentes, manipulées par Sami Adjali qui est un maître en la matière pour avoir notamment travaillé aux Guignols de l’info, ainsi que par des danseurs, nos créatures se veulent aussi drôles qu’impressionnantes.

Ce caractère comique et spectaculaire de votre plante mangeuse d’hommes reflète-t-il pour vous l’esprit du spectacle dans son ensemble ?

C.H. et V.L. : Tout à fait. Bien qu’ancrée dans le Lower East Side, quartier populaire de Chinatown empreint de certaines réalités sociales, La Petite Boutique des horreurs est d’abord pour nous un grand divertissement. Les traits de ses personnages complètement fous, tel le dentiste sado-maso qu’est le compagnon d’Audrey, n’ont guère besoin d’être grossis pour produire une bonne farce. Nous avons même plutôt cherché en eux quelques failles, afin de les rendre touchants tout en étant drôles et souvent dégoûtants.

Propos recueillis par Anaïs Heluin