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Théâtre - Entretien

Le Discours aux animaux

Le Discours aux animaux - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre des Bouffes du Nord
André Marcon reprend Le Discours aux animaux, aux Bouffes du Nord. Crédit : DR

Entretien / André Marcon
Théâtre des Bouffes du Nord / de Valère Novarina

Publié le 28 janvier 2016 - N° 240

En 1986, André Marcon créait Le Discours aux animaux*, aux Bouffes du Nord. Trente ans plus tard, de retour dans le même théâtre, le grand comédien reprend ce monologue-monstre, devenu l’un des textes emblématiques de Valère Novarina.

Comment pourriez-vous caractériser Le Discours aux animaux, ce monologue écrit par Valère Novarina alors qu’il était bloqué dans une maison de montagne, avec pour seule compagnie des chèvres, des dindons, un porc, des moutons… ?  

André Marcon : Pour reprendre l’expression de Gilles Deleuze, je pourrais dire que c’est une succession de « blocs d’enfance ». Des blocs ultra-travaillés, bien entendu, qui font réémerger la parole d’avant la capacité de parler. Un peu comme si on captait le moment qui voit l’enfant passer du vagissement à la parole articulée. A travers ce passage-là – sensuel, érotique, même, d’une certaine façon – Le Discours aux animaux restitue un endroit du continent de l’enfance. Un endroit ouvert, qui va à la fois au-delà de cet instant de découverte de la parole, et en deçà, lorsque l’enfant était encore dans le ventre de sa mère. Tout cela est habité de gravité et, surtout, du sens comique extraordinaire qui caractérise Valère Novarina. Parce qu’il est comme Molière : chez lui, la douleur sort toujours par le comique. Il aime le rire. Il aime faire rire. Il sait faire rire.

Il a pourtant la réputation d’être un auteur cérébral…

A. M. : C’est vrai, mais c’est une réputation infondée. Valère Novarina n’est pas un auteur qui fait des expériences avec le langage. Son écriture n’est pas une écriture de laboratoire. Elle est toujours poussée par les tréfonds de l’être, de façon totalement organique. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle tient et que j’ai pu aller de pays en pays avec Le Discours aux animaux, depuis si longtemps, sans jamais me lasser. La source est toujours renouvelée : ce texte est inépuisable d’énergie.

 « Valère Novarina n’est pas un auteur qui fait des expériences avec le langage. »

Quel rapport entretenez-vous, aujourd’hui, avec ce monologue ?

A. M. : Je l’ai incorporé, l’ai fait mien comme aucun autre texte dans ma vie d’acteur. Le temps est passé dessus. Il est descendu en moi presque sans que je m’en aperçoive. Lorsque je le reprends, je me rends compte qu’il est là, inscrit au plus profond. Evidemment, la représentation d’aujourd’hui n’est pas la même que celle de 1986. Il n’y a pourtant eu, de ma part, aucune volonté de l’infléchir dans un sens ou un autre. Elle est différente parce que je suis différent. Elle a quelque chose de plus calme, à présent, de plus déposé, ce qui ne veut pas dire de moins habité. Aujourd’hui, le texte est davantage devant moi…

Que voulez-vous dire par là ?

A. M. : A chaque fois que je reprends Le Discours aux animaux, l’énergie voyage différemment à l’intérieur du texte. Des choses s’éclairent de manières différentes. Je suis devenu moi-même, d’une certaine façon, le spectateur de la représentation. Il arrive toujours des choses auxquelles je ne m’attendais pas. On pourrait même dire que ce n’est plus moi qui joue le texte, mais le texte qui me joue. Je suis un peu devenu, à mon corps défendant, son jouet. Je suis traversé par lui. Mais je pense que Valère Novarina, lui-même, lorsqu’il écrit, doit être traversé par ses textes. De même, les spectateurs, dans le meilleur des cas, le sont également. Une espèce de flux se crée et voyage des uns aux autres : de l’auteur jusqu’aux spectateurs, en passant par l’acteur, à travers des possibilités infinies de variations.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

* Texte publié aux éditions P.O.L.

A propos de l'événement

Le Discours aux animaux
du vendredi 5 février 2016 au samedi 20 février 2016
Théâtre des Bouffes du Nord
37 Boulevard de la Chapelle, 75010 Paris, France

Du mardi au samedi à 19h. Durée de la représentation : 55 minutes. Tél. : 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com

Egalement le 7 mars 2016, à Bonlieu – Scène nationale d’Annecy.

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