La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Diptyque du rat

Le Diptyque du rat - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : François-Louis Athénas Légende photo : La Pyramide, de Copi, seconde partie du Diptyque du rat.

Publié le 10 octobre 2010

Laurent Fréchuret installe en diptyque un rat praguois et un rat argentin et fait dialoguer rire et émotion en jouant habilement de tous les effets du théâtre.

Hanta, le recycleur de papiers et compresseur de merveilles inventé par Bohumil Hrabal, n’est pas plus rat que celui qui pénètre dans la pyramide extravagante de Copi pour y voler l’or noir des Incas en séduisant la reine aveugle qui y règne en despote affamé… Le rongeur argentin, gomina séductrice et pelisse kitchissime d’un revival seventies assumé et délirant, arrive en Cadillac rose dans l’antre névrotique d’une famille scandaleuse : le rat fleure bon le freudisme libéré et l’iconoclastie joyeuse chez Copi et on rit franchement des inventions verbales et des élucubrations potaches dont la foutraque pyramide est le cadre ! Quant à Hanta, plus bibliophile qu’égoutier, s’il emprunte discrétion et appétit papivore aux souris en compagnie desquelles il travaille, c’est pour mieux cacher l’œuvre qu’il édifie à grands coups de presse depuis trente-cinq ans et le mémorial humain dont il est le bâtisseur et le gardien.
 
Une belle réussite, de la cave au plafond !
 
Laurent Fréchuret a choisi de monter le texte de Hrabal et celui de Copi en diptyque à cause de leur commune qualité résistante. Tchécoslovaquie communiste pour l’un, demeuré résistant de l’intérieur, Argentine en train de basculer dans la dictature militaire pour l’autre, qui a choisi l’exil : Hrabal et Copi se retrouvent dans l’éloge d’une imagination insolente et maquisarde qui raille le consumérisme et l’hygiénisme modernes et les fascismes de tout poil qui détestent toujours également l’humour et la culture. Laurent Fréchuret confie à Thierry Gibault le rôle de Hanta. Au cœur d’une composition sonore et lumineuse soignée, suggestive et très belle (remarquable travail de François Chabrier et Eric Rossi), le comédien offre une interprétation émouvante et fascinante de ce curieux bonhomme aux allures de Bartleby kantien… Après une pause roborative (dont le Théâtre de Sartrouville, qui sait traiter ses spectateurs en amis plutôt qu’en consommateurs, a le secret !), on retrouve la troupe des trois comédiens permanents de la maison, Rémi Rauzier en jésuite déjanté et Elizabeth Macocco en reine azimutée, pour assister à la pyrotechnie verbale de la pyramide hallucinogène ! Mise en scène au cordeau, souplesse libertaire du jeu, inventivité accessoirisée avec esprit : la seconde partie, plus légère que la première, compose avec elle un spectacle en tous points abouti où le théâtre fait feu de tout bois avec bonheur.
 
Catherine Robert


Le Diptyque du rat, d’après Une trop bruyante solitude de Bohumil Hrabal et La Pyramide de Copi ; adaptation et mise en scène de Laurent Fréchuret. Du 30 septembre au 23 octobre 2010. Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; jeudi à 19h30. Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, place Jacques-Brel, 78500 Sartrouville. Réservations au 01 30 86 77 79. Navette gratuite aller-retour depuis Paris, Charles-de-Gaulle / Etoile : renseignements et réservations au 01 30 86 77 79.

A propos de l'événement


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