La Terrasse

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Théâtre - Critique

Le Dépeupleur

Le Dépeupleur - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Les Déchargeurs
Serge Merlin reprend Le Dépeupleur au Théâtre Les Déchargeurs. Crédit : iFou pour Le Pôle Media

Théâtre Les Déchargeurs / de Samuel Beckett / mes Alain Françon

Publié le 27 septembre 2016 - N° 247

Dans le cadre intimiste du Théâtre Les Déchargeurs, Serge Merlin réinvente, avec la complicité du metteur en scène Alain Françon, Le Dépeupleur de Samuel Beckett. Quand un comédien hors norme fait naître, sous nos yeux, la chair même du théâtre…

A 83 ans, Serge Merlin a encore de grandes choses à créer. Et à partager. C’est ce qu’il nous prouve, au Théâtre Les déchargeurs, où il reprend Le Dépeupleur*, après s’être une première fois emparé de ce texte au Festival Off d’Avignon, en 1978, sous la direction de Pierre Tabard, et une deuxième fois, en 2003, lors d’une série de lectures au Théâtre national de l’Odéon. Aujourd’hui, c’est dans une mise en scène d’Alain Françon, un décor de Jacques Gabel et des lumières de Joël Hourbeigt que ce comédien monumental revient au monde énigmatique du Dépeupleur. De quoi est-il question dans cette œuvre courte et dense, que Samuel Beckett mit quatre années à écrire, de 1966 à 1970 ? D’un « petit peuple de chercheurs » – des grimpeurs, des vaincus, des sédentaires – dont les conditions d’existence, à l’intérieur « d’un cylindre », nous sont présentées à travers une quantité étourdissante de détails. Pourtant, cette description comme en gros plan, qui a tout de l’examen éthologique ou ethnographique, n’établit jamais le nom ou l’origine de cette communauté d’individus qui, en se frôlant, font entendre « un bruit de feuilles sèches ».

Des cimes et des précipices 

Petite baguette en main, yeux malicieux, voire illuminés, Serge Merlin s’élance dans cette matière foisonnante à sa façon : en traçant un chemin que lui seul semble avoir le pouvoir de trouver et de rendre vivant. Ardent, profondément inspiré, il nous exhorte à l’accompagner, laissant percevoir quelque chose du vieux maître, du clown, de l’enfant aussi. Il quitte la scène pour s’avancer et se tendre vers nous. Se penche au-dessus des premiers sièges, se rapproche de nos visages, de nos regards. Très vite, le contact se noue. Il s’exclame, énonce, chuchote. Passe de la proclamation à la confidence, de l’insouciance à l’amusement. Ou à la gravité. Le comédien nous transporte dans l’univers qu’il invente, au plus concret de l’instant, sans jamais donner l’impression d’usurper quoi que ce soit. Car chacune de ses expressions reste unique. Chaque intonation qu’il fait s’élever vient nourrir l’évidence des mouvements et des sursauts qui l’animent. Voir ainsi, à quelque mètres de soi, un tel artiste atteindre ce niveau de liberté et d’engagement est tout simplement bouleversant. On explore, à sa suite, des cimes et des précipices. Des espaces de pure incandescence théâtrale.

Manuel Piolat Soleymat

* Publié aux Editions de Minuit.

A propos de l'événement

Le Dépeupleur
du lundi 12 septembre 2016 au samedi 1 octobre 2016
Théâtre Les Déchargeurs
3 Rue des Déchargeurs, 75001 Paris, France

du lundi au samedi à 21h30. Du 3 octobre au 19 décembre, les lundis à 21h30. Durée de la représentation : 55 minutes. Tél. : 01 42 36 00 50. www.lesdechargeurs.fr

 

Egalement au Théâtre des Halles, à Avignon, les 11 et 12 novembre 2016 à 20h.

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