La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Ciel est pour tous

Le Ciel est pour tous - Critique sortie Théâtre
Crédit : Hervé Bellamy Légende : « Le jeune Selim face à son directeur de conscience. »

Publié le 10 février 2010

À travers Le Ciel est pour tous, Catherine Anne parle avec discernement d’un sujet tabou et d’une contemporanéité problématique, la foi et la tolérance. Malgré un didactisme pesant, le pari osé vaut le coup.

Des questions jetées en vrac, la famille, la religion, la laïcité, le statut de la femme, les jeunes gens en perdition, les fanatismes… La pièce de Catherine Anne – Le Ciel est pour tous – prend le taureau par les cornes en installant l’intrigue dans notre temps. Les joutes verbales sont une mise à feu ordonnancée des hypocrisies et des préjugés citoyens. Le spectateur fait face à cet inventaire répertorié des analyses politiques, sociales et religieuses. Ce répertoire sensible est pris en charge par des personnages et non plus par des débats télévisés. Sur le plateau heurté par des panneaux verticaux d’un ciel florentin suspendu, vit une famille aux origines confessionnelles mixtes ; musulmane pour le père (Azize Kabouche), catholique pour la mère (Fabienne Lucchetti), inexistante pour la fille Lucie (Marianne Téton) comme pour le fils Selim (Denis Ardant). Le père enseigne la philosophie, la mère est salariée, Lucie prépare un livre sur l’Affaire Calas à partir du Traité sur la Tolérance de Voltaire tandis que son frère peu porté sur les études et sans passion, erre. La mère veut pour son père décédé des funérailles à l’Église contre l’avis de sa sœur Barbara, cinéaste documentaire penchée sur la vie cachée des femmes dans les pays islamiques. Une affaire d’engagement.
 
Caricature et excès
 
Le curé paroissial (Thierry Belnet) oriente peu à peu l’obédience morale et religieuse du fils incompris, un terreau de terroriste. Deux jumeaux (Jean-Baptiste Anoumon) complètent le tableau, l’un est amoureux de Lucie, et l’autre est un illuminé en mal de Dieu. Ces profils contemporains souffrent de caricature et d’excès dans les traits et les confrontations sont explosives. Barbara ironise : «  Pas de politique surtout ! Que notre pays évolué continue à faire du commerce avec tous les autres ! Que les armes circulent librement pendant que les humains crèvent aux frontières ! L’économie avant tout ! » On déplore certes l’état de crise de l’institution humaine qu’est la famille, cette réalité socio-économique et psychologique fondamentale, mais l’auteur a la finesse d’exalter à la fois les vertus familiales d’épanouissement convivial tout en n’en cachant pas des travers pervers et une oppression latente. La représentation ne coïncide pas avec la richesse du texte, et gagnerait en rythme si on l’étayait. Mais la réflexion sur la foi, religieuse ou non, sonne juste, suppléant au manque existentiel, à l’incertitude, au malheur et à notre destin de mortel.
 
Véronique Hotte


Le Ciel est pour Tous, de Catherine Anne ; mise en scène de l’auteur. Du 9 au 19 février 2010. Le mardi, jeudi et samedi à 19h30, le mercredi et le vendredi à 20h30, le dimanche à 15h. Théâtre de l’Est Parisien 159, avenue Gambetta 75020 Paris. Réservations : 01 43 64 80 80 www.theatre-estparisien.net Texte publié chez Actes Sud-Papiers.

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