Le Prix des Boîtes
Jorge Lavelli met en scène une pièce de bonne [...]
Cette adaptation de la comédie d’Aristophane succombe aux nombreux écueils que la farce canaille peut réserver à ceux qui s’y confrontent.
« Cet obscur désir du pouvoir, que la pièce met en scène, dans la figure transgressive et assumée du bouffon, fait aussi vibrer les femmes », note la metteur en scène, Mylène Bonnet, qui ajoute : «mais, à la lecture, la puissance comique directe de la comédie était tuée. Par exemple, les blagues graveleuses ne me faisaient plus rire. Deux options se sont présentées : soit je faisais appel à une helléniste soit je travaillais avec un auteur pour permettre au texte d’être entendu, aujourd’hui, deux mille cinq cent ans plus tard, dans toute sa puissance subversive ». Le choix d’une actualisation en forme de réécriture se défend très largement. Traduire littéralement les farces d’Aristophane relève d’une gageure dont il est difficile, si ce n’est impossible, de sortir victorieux. Les jeux de mots, les situations anachroniques, les balourdises, les calembours, la verte truculence du propos obligent souvent le recours à la périphrase édulcorante, au point de suspension qui en dit long, avec un fastidieux arsenal de notes explicatives à l’appui.
Une dramatique absence de poésie
Ce louable souci de sacrifier le littéral à l’esprit tourne court. Le texte actualisé est si réinventé qu’il évente la référence au point de la rendre méconnaissable. Le comique Aristophane qui ne recule pas devant la scatologie la plus épaisse ou la plus grasse obscénité reste un poète. Sans être ni pointilleux ni bégueule, d’aucuns peuvent, dans ce jeu de transpositions des données historiques en poncifs, des procédés et des allusions faciles, des exhibitions scabreuses rendues à leur trivialité, s’insurger, par-delà toutes ses grossières maladresses, contre la dramatique absence de poésie. Tous les dangers de la tentation séduisante d’une adaptation, coupant ici, ajoutant là, sont rendus manifestes. Dans un luxe de détails, la mise en scène se perd en noyant les acteurs. La scénographie elle-même témoigne d’un hétéroclisme que la modestie des moyens, qui naturellement invite à épurer, ne saurait excuser. Comment ne pas regretter l’opportunité offerte ?
Marie-Emmanuelle Galfré
Jorge Lavelli met en scène une pièce de bonne [...]