Oedipe
Le chorégraphe et metteur en scène José [...]
Tour de chant, déclamation poétique et acte théâtral mêlant la danse et la vidéo, le spectacle puisant à la source des grands thèmes camusiens échappe aux clichés. A la manière d’Abd al Malik.
Commande du Grand Théâtre de Provence dans la cadre de Marseille-Provence 2013, Capitale Européenne de la Culture, la création fut portée par une ambition conjointe, celle de Dominique Bluzet, le directeur du Grand Théâtre, et de Catherine Camus, la fille de l’écrivain, le centenaire de la naissance d’Albert Camus coïncidant avec l’événement culturel européen. « Ils m’ont contacté », raconte Abd al Malik, «pour me proposer de travailler autour du Premier Homme. Mais j’avais une autre idée ». Dans la vie du slammeur rappeur franco-congolais, il est une autre œuvre du poète philosophe du XXème siècle qui tient une place à part : L’envers et l’endroit. « Je devais avoir 13 ans » se souvient-il, « lorsque j’ai lu ce livre. Ça a été comme une espèce de révélation. La préface que Camus a écrite vingt ans après la première édition du livre a toujours été pour moi une sorte de feuille de route. Un viatique, dans ma quête, en tant qu’homme de mots, d’une certaine vérité artistique ». Un thème essentiel inspire les différentes pièces musicales écrites à partir de cette œuvre fondatrice : ce sera « L’art et la révolte ».
Une charge émotionnelle singulière
Autobiographique, la référence camusienne échappe à l’instrumentalisation et fait sens. Pour le chanteur lettré, Camus est “ un idéal dans la manière d’être artiste”. “J’ai surtout vu en lui, comme en moi, ce farouche besoin de représenter “son peuple “, de représenter les siens et, par eux, de chercher inlassablement le moyen de se connecter à tous.”Tout le talent du poète chanteur est d’être capable d’offrir en partage la charge émotionnelle singulière dont cette lecture a été, par lui, investie. Les valeurs défendues appuyées sur une description critique sans concession du réel trouvent dans le champ scénique un moyen d’expression privilégié transfigurant la violence de l’affect. La posture adoptée, débarrassée de tout effet superflu, se veut proche de celle du porte-parole. La mise en scène théâtrale de ce concert en forme de long poème dramatique mis en musique combine les effets. Lumières, sons, vidéo, intermèdes dansés, jouent des nuances et des contrastes pour se mettre au service du propos qui, à de nombreux égards, tient dans cet adage: « Il faut se tenir debout ».
Marie-Emmanuelle Galfré