La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien

L’Allegro, il penseroso ed il moderato, un nouveau challenge pour Robyn Orlin à l’Opéra de Paris.

<p>L’Allegro, il penseroso ed il moderato</i>, un nouveau challenge pour Robyn
Orlin à l’Opéra de Paris.</p> - Critique sortie Danse
Crédit photo : Photo : CTC – 2008 Légende photo : Gérard Astor et Nicolas Hocquenghem à Damas.

Publié le 10 avril 2007

De cette ode pastorale de Haendel écrite d’après des poèmes bucoliques de
l’anglais Milton et des textes de Charles Jennens, la renversante Robyn Orlin a
voulu une réflexion sur l’homme et son environnement, et sur les multiples
contradictions qui font l’individu. Sous la baguette des Arts Florissants, au
centre d’un dispositif vidéo très prégnant, les danseurs de l’Opéra relèvent un
nouveau défi.

Pourquoi avez-vous accepté de répondre à cette commande de l’Opéra de Paris,
et de travailler sur cette musique précisément ?

Parce que c’était un problème très intéressant à résoudre !

Quel problème ?

A vrai dire, je n?ai rien à voir avec l’Opéra, et je n?ai jamais travaillé
avec des danseurs de ce calibre. C’était donc, en cela, très intéressant pour
moi. Je savais qui était Haendel, mais je ne connaissais pas particulièrement
cette musique. Normalement, je n?ai pas grand chose à voir avec la musique
baroque, ce n?est pas mon univers ! Quand j’ai écouté la musique pour la
première fois, elle était tellement différente pour moi que le texte m’a touchée
plus que la musique. Ensuite, elle a grandi en moi. Plus je travaille avec cette
musique, plus je la ressens comme une sorte de blues. Cela devient de plus en
plus accessible, et c’est la musique qui m’apporte des idées. C’est inhabituel
pour moi, car je ne travaille jamais de cette manière avec la musique. J’ai
commencé à penser à ma propre mémoire, du côté de l’Afrique du Sud d’où je
viens, et c’est de là qu’a commencé la pièce.

Avant ce point de vue très personnel, que vous ont raconté Haendel et
Milton ?

Le poème m’a parlé de la nature et de la ville, ou comment l’environnement
naturel peut être détérioré. Les deux caractères « allegro » (le joyeux) et « penseroso »
(le mélancolique), qui produisent deux ambiances, m’ont également intéressée.
Nous avons ces deux éléments à l’intérieur de nous-mêmes, même si l’on pense que
l’on est soit l’un ou soit l’autre. Quand j’ai commencé à lire le texte du
« moderato », j’ai réalisé à quel point nous n?avions pas vraiment trouvé un
juste milieu entre le naturel et l’urbain. La campagne est surprenante, jeune,
non souillée, et la ville est comme une vieille personne.

Est-ce cette vision du monde que vous voulez nous transmettre ? N?y a-t-il
pas de compromis ?

C’est ma vision du monde. C’est pourquoi dans la troisième partie de la pièce
je travaille vraiment sur les choses qui sont arrivées depuis 2000, et qui nous
ont touchés : à la fois des désastres naturels, et ceux provoqués par la main de
l’homme.

Vous travaillez d’ailleurs avec les nouvelles technologies’

Oui, mais je préfère que cela soit une surprise ! Il y a des films, un
travail de caméra en direct, énormément de choses. C’est très éprouvant
technologiquement. C’est un défi pour tout le monde à l’Opéra, et pour moi la
première !

C’est la première fois que vous travaillez avec des danseurs comme Nicolas Le
Riche, Marie-Agnès Gillot ou Yann Bridard. Cela est-il facile ?

Je pense que c’est difficile pour eux et pour moi car je n?ai jamais
travaillé de cette façon-là. Cela marche beaucoup au « feeling ». J’ai
l’habitude de travailler avec des danseurs sur de longues périodes, mais là
c’est l’inverse. C’est une contrainte. Je ne saurais qu’à la fin de la pièce si
la collaboration a été bonne ou non. Mais je suis agréablement surprise de voir
à quel point ils sont ouverts, et pour moi c’est très important.

Que vous offrent ces danseurs et que pensez-vous leur apporter ?

Ils m’ont apporté un autre monde que je ne connaissais absolument pas. Ce que
j’espère leur apporter, c’est une façon d’interpréter la pièce, une façon
différente de travailler qui ne concerne pas seulement le corps. Une façon plus
profonde? Et j’espère l’apporter au public également.

En France, on vous connaît artistiquement en tant que chorégraphe, mais aussi
à travers l’engagement politique qui vous caractérise. Ce nouveau spectacle
tient-il de ce même engagement ?

Oui. Je pense que l’engagement est plus social dans la troisième partie.
J’explore ce que peut être la notion de baroque, et si cette notion existe en
Afrique du Sud. Cela questionne les danseurs sur ce qu’ils sont en tant que
danseurs, et en quoi ils peuvent toucher le reste du monde.

Pensez-vous que l’on vit une période baroque ?

Pour moi, le baroque a à voir avec la beauté, mais ce que nous considérons
comme beau n?est pas nécessairement baroque. En ce moment, c’est difficile de
trouver la beauté dans notre monde. Certaines personnes y arrivent.

Trouverons-nous une forme de beauté dans votre spectacle ?

Oui, de la beauté et de l’humour.

Propos recueillis par Nathalie Yokel

L’Allegro, il penseroso ed il moderato de Robyn Orlin, les 23, 25, 27,
29, avril, 2, 4, 6, 12 mai à 19h30, le 29 avril et 6 mai à 14h30, au Palais
Garnier, place de l’Opéra, 75008 Paris. Tel : 0892 89 90 90.

A propos de l'événement


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