La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Tragédie du Roi Christophe

La Tragédie du Roi Christophe - Critique sortie Théâtre Sceaux Les Gémeaux
Crédit photo : Michel Cavalca Légende photo : Marc Zinga dans La Tragédie du Roi Christophe.

Les Gémeaux / d’Aimé Césaire / mes Christian Schiaretti

Publié le 21 février 2017 - N° 252

Après Une saison au Congo, Christian Schiaretti met en scène, avec la même troupe, La Tragédie du Roi Christophe, premier volet du triptyque théâtral dans lequel Aimé Césaire interroge les aléas politiques de la négritude.

Christian Schiaretti retrouve le collectif burkinabé Beneeré, de Ouagadougou, le chœur des citoyens d’origine africaine de Villeurbanne et de Lyon et tous les comédiens qu’avait réunis Une saison au Congo, autour de l’incandescent Marc Zinga qui, après avoir campé Patrice Lumumba, incarne Henri Christophe, premier roi d’Haïti. Christian Schiaretti monte la deuxième partie du triptyque composé par Césaire (on espère que la mise en scène d’Une Tempête suivra), à rebours de son écriture et à rebours de la chronologie. D’abord la tragédie de Lumumba, sanglante et scandaleuse, ensuite la farce d’un roi aux idéaux qu’il finit par trouver trop grands pour une île si petite et un peuple trop paresseux pour réaliser son rêve. Contrairement aux analyses de Marx sur la répétition historique, la comédie précède ici la tragédie, même si elle vient en second sur le plateau. Remarquable illustration des débats entre Césaire et le marxisme ! Dans sa Lettre à Maurice Thorez du 24 octobre 1956, le poète écrit, alors qu’il démissionne du PCF : « il nous faudra avoir la patience de reprendre l’ouvrage, la force de refaire ce qui a été défait ; la force d’inventer au lieu de suivre ; la force d’inventer notre route et de la débarrasser des formes toutes faites, des formes pétrifiées qui l’obstruent ». Rappelons en clin d’œil que la devise du TNP est la même : « renaître, refaire, refonder » !

Montrer, clarifier et comprendre

Comédiens et musiciens sont presque quarante au plateau, et, à son habitude, Christian Schiaretti sait les placer sans entraver la fluidité du récit. La scénographie de Fanny Gamet évite les afféteries ; les costumes de Mathieu Trappler ont l’intelligence d’évoquer élégamment les échos contemporains de l’histoire. De la robe style Empire aux T-shirts et aux blouses d’aujourd’hui, des plumes aux turbans, la difficulté identitaire est la même, et le Noir peine à inventer sa figure sous les oripeaux des Blancs. Sans renoncer à faire entendre la poésie de la langue de Césaire – portée avec bonheur par la diversité des accents de la francophonie, qui évitent de réduire le français au sociolecte de la bourgeoisie – Christian Schiaretti choisit la pédagogie contre l’ellipse et la métaphore. On saisit entièrement les enjeux politiques de la pièce, les personnages sont clairement identifiés et le texte est parfaitement compréhensible. Un spectacle qui doit continuer sa route, ne serait-ce que pour rappeler à l’inquiétant aujourd’hui que les rêves de l’égalité et de la liberté sont aussi difficiles à construire que la citadelle Laferrière, rêvée par Christophe et devenue patrimoine de l’humanité…

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

La Tragédie du Roi Christophe
du mercredi 22 février 2017 au dimanche 12 mars 2017
Les Gémeaux
49 Avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux, France

Du 22 février au 12 mars 2017. Du mercredi au samedi à 20h45 ; le dimanche à 17h. Tél. : 01 46 61 36 67. Durée : 3h avec entracte. Spectacle vu au TNP. A lire : Etats provisoires du poème XIII / Le Vent des Caraïbes / Autour d’Aimé Césaire, chez Cheyne éditeur. Version scénique du texte publiée à L’avant-scène théâtre.

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