Looking for Lulu
Avec la metteuse en scène Natascha Rudolf, la [...]
Joël Dragutin dissèque le consumérisme culturel contemporain en se faisant entomologiste de la jouissance spectaculaire et du plaisir touristique. Un exercice de style malicieux et drôle.
La spectatrice est passionnée ; elle adore, elle admire et félicite. Elle vilipende aussi quand elle n’aime pas, et il arrive même qu’elle déteste… Elle agace par sa soif irrépressible de consommation spectaculaire, mais émeut aussi, tant son hystérie révèle une incapacité à jouir autrement que dans le tourbillon d’une satisfaction publique où elle oublie ses déboires privés… Hyperactive, hyper-attentive, hyper-intéressée, ivre d’avoir vu ce que la rumeur impose ou dépitée d’avoir été déçue, elle incarne toutes les postures de la pratique culturelle contemporaine. L’estivante vit les mêmes emballements et subit les mêmes déboires, à ceci près qu’elle prend l’avion pour aller assister à des spectacles inédits, qu’elle espère authentiques et préservés des hordes touristiques qui polluent. Comme la spectatrice, à laquelle elle ressemble évidemment beaucoup, elle fuit l’angoisse par le divertissement, et va de poncifs en lieux communs, exaltée par la fièvre révolutionnaire des guérilleros, solidaire en Afrique, mélancolique et rêveuse sur le pont Charles.
Ridicules et précieuses, mais sincères et sympathiques
Fine et élégante, Stéphanie Lanier a tout de ces privilégiés égoïstes et capricieux que Joël Dragutin se plaît à observer dans ses pièces. Humanistes et cultivés, ils ont un vernis ethnologique suffisant pour admettre qu’il y a à apprendre des autres, mais trop peu de lucidité sociologique pour comprendre qu’ils sont les produits de leur classe et les représentants des valeurs de leur époque. Le jeu de Stéphanie Lanier sert joliment cette impertinente étude de mœurs. Si Joël Dragutin se moque et reproduit avec une aisance jubilatoire les discours rebattus de la branchitude bourgeoise, il enfonce le scalpel jusqu’au sang et révèle avec humour les blessures de la wonder girl moderne. La spectatrice et l’estivante ressemblent à Aminte et Polixène, certes, mais leur lucidité force la sympathie : à choisir, mieux vaut une précieuse ridicule qu’une virago pointant son arquebuse sur la culture et les étrangers.
Catherine Robert
à 12h40. Tél : 04 84 51 05 22.
Avec la metteuse en scène Natascha Rudolf, la [...]