La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Pluie

La Pluie - Critique sortie Théâtre Paris _Le Lucernaire
Alexandre Haslé et la marionnette d'Hanna. Crédit : Marinette Delanné

Le Lucernaire / mes Alexandre Haslé

Publié le 25 octobre 2016 - N° 248

Quinze ans après sa création, Alexandre Haslé reprend La Pluie de Daniel Keene. Fable marionnettique sur l’un des moments les plus tragiques de notre histoire, ce court spectacle résonne avec force aujourd’hui.

Petite bonne femme à taille de môme et au visage parcheminé, la Hanna d’Alexandre Haslé semble prête à s’effriter. Normal, sa tête est en papier mâché. Quant au corps, c’est le marionnettiste qui lui donne ses petits tremblements. Ses tics annonciateurs d’une fin imminente. Apprise aux côtés de la grande Ilka Schönbein, qu’il a accompagnée dans Métamorphoses et dans Le Roi Grenouille, cette façon de manipuler des pantins à taille d’enfant donne à La Pluie de Daniel Keene une précieuse dimension critique. À demi confondu avec son Hanna et toutes les autres créatures auxquelles il donne vie durant son court spectacle – moins d’une heure, mais d’une rare intensité –, Alexandre Haslé maîtrise avec grâce le dédoublement physique qui permet au comédien d’ancrer son récit dans l’ici et maintenant. Sans un mot en plus de ceux de Hanna, aussi beaux que sporadiques. Créé il y a quinze ans, alors que Daniel Keene était presque inconnu en France, ce premier spectacle de la compagnie Les lendemains de la veille n’a pas pris une ride. Non seulement parce que le marionnettiste l’a transformé, mais aussi du fait de la tragédie méditerranéenne actuelle.

Voyage sans retour

Dans La Pluie, la fragilité propre aux personnages de l’auteur australien a partie liée avec l’Histoire. Toute sa jeunesse durant, Hanna a entreposé chez elle les objets laissés par les passagers d’un train. Dans l’attente qu’ils viennent les reprendre, pensait-elle. Ou voulait-elle penser. Personne n’est jamais revenu. Ni le petit garçon qui lui avait laissé une bouteille remplie d’eau de pluie ni les autres. Dans une semi-obscurité, le plateau de cette Pluie tendre et déchirante ressemble à une maison abandonnée dans l’urgence. Sur le sol, des chaussures d’enfant et des tissus éparpillés. Presque rien, dont Alexandre Haslé fait beaucoup. En déployant le monologue de la gardienne d’objets, il fait surgir des étoffes toute une galerie de créatures étranges. Un bonhomme à la face lunaire qui fait danser un petit cadavre entre les rideaux d’un théâtre miniature. Un vieillard sautillant muni d’une boite à puces savantes, ou encore un homme joufflu aux poches remplies de pommes. Sur un fond de musique klezmer régulièrement interrompue, ces pantins à la mine à la fois grave et naïve n’ont jamais l’air de pleurer. Ils semblent même parfois prendre plaisir à renaître, ne serait-ce que pour une minute. Ne serait-ce que pour dire l’importance d’une main tendue.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

La Pluie
du mardi 25 octobre 2016 au samedi 26 novembre 2016
_Le Lucernaire
53 Rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris, France

Le Lucernaire

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