La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La petite fille de Monsieur Linh

La petite fille de Monsieur Linh - Critique sortie Théâtre Sceaux Les Gémeaux
La petite fille de Monsieur Linh, dans la mise en scène de Guy Cassiers. © Kurt Van der Elst

Les Gémeaux/ texte de Philippe Claudel / mes Guy Cassiers

Publié le 22 janvier 2020 - N° 284

Guy Cassiers à la mise en scène, Jérôme Kircher à l’interprétation, Philippe Claudel à l’écriture, l’attelage de grands noms donne ici naissance à une très belle réussite.

Par son caractère consensuel et un peu sucré, le récit de Philippe Claudel que Guy Cassiers a entrepris de mettre en scène, La petite fille de Monsieur Linh, s’adresse avant tout aux bons sentiments qui devraient conduire chacun à voir dans la figure de l’autre une part de soi-même, de son humanité. C’est là sa seule limite, sa seule faiblesse pourrait-on dire, dans le cadre d’un sujet aussi politiquement sensible que celui des migrations. Car, pour le reste, ce monologue superbement interprété par Jérôme Kircher est d’une grande beauté, qui emporte toute réticence sur son passage. Conçu en diptyque avec le politique et polémique Grensgeval né de la plume acerbe d’Elfriede Jelinek, qu’on a pu découvrir à Avignon l’été dernier, ce spectacle se veut d’ailleurs pour le metteur en scène l’autre face – sensible – d’une question complexe. Une narration simple et astucieuse parsemée d’énigmes et de surprises mais aussi d’images éloquentes, la première qualité de La petite fille de Monsieur Linh réside avant tout dans le texte de Philippe Claudel. Fuyant son pays en guerre, de l’autre côté de la mer, Monsieur Linh rencontre sur un banc, dans un parc, un autre homme, Monsieur Bark, un humain comme lui égaré. Bien qu’ils ne parlent pas la même langue, les deux hommes se lient d’amitié, aidés en cela par la petite-fille de Monsieur Linh, dont il ne se sépare jamais.

Une interprétation puissante

Sur scène, c’est Jérôme Kircher qui incarne les deux personnages solitaires. Derrière lui, un vaste écran où s’inscrivent parfois quelques dialogues, et, quand ils se retrouvent, l’image vidéo des deux hommes assis côte à côte. L’interprétation de Jérôme Kircher est si puissante qu’on ne pourrait que l’appauvrir en tentant d’en rendre compte. En narrateur, Kircher est un brin rigolard, aussi léger que touchant. En Monsieur Bark, il campe un gaillard bourru mais pas trop, au bord du précipice et des larmes. En Monsieur Linh, il est tout à la fois perdu, émouvant et déterminé. L’histoire se mène d’un point de vue intérieur, à travers les yeux de Monsieur Linh, elle est conduite d’une voix sensible, presque naïve. Et l’acteur crée lui-même, habilement et simplement, l’univers sonore délicat et envoûtant de cette aventure humaine où ce qui relie les hommes dépasse de loin les différences culturelles, les règlements et les frontières. Bouleversant.

Eric Demey

A propos de l'événement

La petite fille de Monsieur Linh
du mercredi 4 mars 2020 au dimanche 8 mars 2020
Les Gémeaux
9 Boulevard Lénine, 93000 Bobigny

à 20h30, le samedi à 18h30. Tel : 01 41 60 72 72. La Rose des Vents, Scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq. Du 10 au 13 avril à 20h sauf le jeudi à 19h. Tél : 03 20 61 96 96. Spectacle vu au Phénix à Valenciennes. Durée : 1h20. Egalement au Théâtre de Namur du 3 au 5 mai 2018, et au Théâtre National à Bruxelles du 25 au 31 mai 2018.

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