La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Nuit des Rois

La Nuit des Rois - Critique sortie Théâtre Paris CARTOUCHERIE
La Nuit des Rois, dans une mise en scène de Clément Poirée Crédit : Nolwenn Brod

Théâtre de La Tempête / de William Shakespeare, adaptation Jude Lucas / mes Clément Poirée

Publié le 28 janvier 2016 - N° 240

Après le Théâtre des Quartiers d’Ivry la saison dernière, c’est à présent à La Tempête que Clément Poirée fait résonner les accents burlesques de sa mise en scène de La Nuit des Rois. Quand trop de farce nuit à Shakespeare…

« A couvert, pour l’amour de la bouffonnerie ! », s’exclame l’un des personnages de La Nuit des Rois dans la version adaptée par Jude Lucas que met actuellement en scène Clément Poirée au Théâtre de La Tempête. Cette réplique, lancée alors que plusieurs protagonistes de la pièce se coalisent pour tendre un piège à l’un des leurs, pourrait résumer la ligne générale qui se dégage de cette représentation quasi exclusivement orientée vers la farce et la dérision. Comédie de l’amour, du rêve, du travestissement, La Nuit des Rois ne puise pourtant pas qu’à la seule source comique. La pièce de Shakespeare est plus ample que cela. Elle nous transporte jusqu’aux panoramas oniriques de l’Illyrie. Une terre sur laquelle règne un comte qui, épris d’une comtesse, est prêt à tout pour parvenir à conquérir son cœur. Mais celle-ci, en deuil, refuse d’entendre parler de cet amour. Une tempête et un naufrage plus tard, une jeune fille et son frère jumeau se retrouvent l’un sans l’autre, échoués à deux endroits différents de la côte illyrienne. Croyant son frère noyé, la première se déguise en garçon et entre au service du comte. Quant au second, il fait la connaissance de la comtesse qui tombe immédiatement amoureuse de lui.

 Un jeu du chat et de la souris amoureux

S’en suit un jeu du chat et de la souris amoureux qui laisse poindre, derrière le grotesque des situations et l’ambivalence des identités, une forme d’étrangeté, de mélancolie. Mais de ce genre de percées, il n’y a guère dans la représentation menée tambour battant par Moustafa Benaïbout, Camille Bernon, Bruno Blairet, Julien Campani, Eddie Chignara, Matthieu Marie, Laurent Ménoret, Morgane Nairaud et Claire Sermonne. Enjoués, faisant gag de tout, les comédiens ne laissent de place qu’au burlesque. Et étouffent, de ce fait, les élans de vérité et de profondeur qui font la force du théâtre de Shakespeare. Une (grande) partie du public, réjouie par cette farandole de bouffonneries, rit aux éclats. Une autre, moins nombreuse, est plus réservée, sans doute lassée par la monotonie d’un exercice qui vire au système. Les interprètes (pour beaucoup excellents) n’ont rien à se reprocher. Sans leur efficacité comique, sans leur indéniable générosité, cette Nuit des Rois se révèlerait sans doute indigeste. Dans Contre les Poètes*, Witold Gombrowicz déclarait ne pas plus aimer « la poésie pure » que le « sucre pur ». « Personne ne mangerait une assiette de sucre, expliquait-il, ce serait trop ». Pour la farce, c’est un peu la même chose. L’excès peut finir par faire trop.

Manuel Piolat Soleymat

* Editions Complexe, 1988.

A propos de l'événement

La Nuit des Rois
du jeudi 14 janvier 2016 au dimanche 14 février 2016
CARTOUCHERIE
75012 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 2h35. Tél. : 01 43 28 36 36. www.la-tempete.fr.

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