Michel Portal et Paul Meyer
Réunion de deux clarinettistes complices
L’œuvre de jeunesse de Charles Gounod fait son grand retour à l’Opéra-Comique, dans la mise en scène de David Bobée et la direction musicale de Laurence Equilbey.
Bien avant The Cure, le XIXe siècle a connu une vogue gothique. Le sulfureux roman de Lewis, Le Moine (1796), fit fureur parmi la jeunesse romantique. Rien d’étonnant si Charles Gounod, âgé de 36 ans, s’inspira de ce texte pour son seulement deuxième opéra. Un château en Bohème, un fils qui défie son père, le fantôme d’une nonne : les ingrédients étaient suffisamment piquants et l’intrigue théâtrale à souhait pour la mettre en musique. Las, malgré une brillante orchestration et les louanges de Théophile Gautier qui rendait grâce à « l’élévation du style, la beauté du coloris et la perfection du travail harmonique », l’œuvre ne tint pas longtemps à l’affiche de l’Opéra de Paris. La faute à un directeur d’opéra pudibond qui ne pouvait tolérer « de pareille ordures ».
Une dramaturgie inspirée par la psychanalyse
Cela ne donne que plus envie de découvrir cette œuvre méconnue dont s’empare Laurence Equilbey. En plus de diriger Insula orchestra et accentus, la cheffe signe la dramaturgie avec le metteur en scène David Bobée. Tous deux placent le personnage de Rodolphe au cœur de l’histoire selon un angle lacanien qui est que « l’homme ne peut avancer vers le désir que seul, affranchi de l’ordre et de la mort ». La distribution se signale par sa jeunesse et son éclat. Michael Spyres retrouve le chemin de l’Opéra-Comique où il avait incarné Masaniello dans La Muette de Portici en 2011/12. Celui qui se qualifie lui-même de « baritenore » est doté d’une voix incroyablement agile dont l’amplitude lui permet de chanter aussi bien Don José qu’Otello de Rossini. A ses côtés, une autre artiste montante, Vannina Santoni, dans le rôle d’Agnès.
Isabelle Stibbe
Tél. : 08 25 01 01 23. Places : 6 à 135 euros. Durée : 3h avec entracte.
Réunion de deux clarinettistes complices