La Noce de Bertolt Brecht traduction de Magali Rigaill, mise en scène d’Olivier Mellor
Reprise / Théâtre de l’Epée de Bois / de Bertolt Brecht / trad Magali Rigaill / mes Olivier Mellor
Publié le 27 septembre 2021 - N° 292Animée par l’esprit de troupe, la compagnie du Berger conduite par le metteur en scène Olivier Mellor crée une Noce chorale, musicale et engagée dans l’esprit du cabaret.
A l’heure où Bertolt Brecht écrit La Noce, il n’a pas encore franchement opté pour le théâtre de la distanciation. Pour saisir l’intérêt de la mise en scène de cette œuvre de jeunesse qu’Olivier Mellor a choisi de porter sur le plateau, cette donnée est déterminante qui évitera tout quiproquo. Cette pièce en un acte est inspirée au dramaturge, alors poète de cabaret, par l’art de son ami Karl Valentin, célèbre chansonnier et acteur comique. Autant dire qu’il y a loin de La noce chez les fous (son titre originel) aux pièces de la maturité qui vont bouleverser les codes du théâtre en produisant des chefs-d’œuvre. Si dans le fond les personnages ne sauraient provoquer l’empathie cathartique, l’effet d’identification, sans jouer à plein, n’interdit pas au spectateur de se reconnaître dans l’outrance et la caricature propres à l’art cabarettiste. A cette veine assumée du théâtre « qui ne renie pas sa fonction de divertissement », comme le note le metteur en scène, puise cette Noce. La table des jeunes époux (Fanny Balesdent et Emmanuel Bordier) réunit la mère (Françoise Gazio), le père (Rémi Pous), la sœur de la mariée (Marie-Laure Boggio), l’amie de la mariée (Marie-Béatrice Dardenne) et son mari (Stephen Szekely), l’ami du marié (François Decayeux), et un jeune homme (Denis Verbecelte).
Un décor à prendre au pied de la lettre
On ne saurait séparer l’intrigue du décor qui est, comme le signale la traductrice Magali Rigaill, « un personnage et acteur de la pièce ». La scénographie soigne cet aspect qui génère de multiples effets surprises, gags fracassants (à prendre au pied de la lettre) en répétition comme en miroir des frustrations grandissantes et des illusions déglinguées des protagonistes, dont les mariés font au premier chef les frais, lesquels reçoivent, contents d’eux, dans « leur intérieur bien à eux ». Clownesque. Les maquillages appuyés des acteurs, les coiffures affligeantes, les costumes, habits de fête de piètre facture, soulignent l’intention tragi-comique qui porte le spectacle, pièce assassine d’une société méchamment en rupture de sociabilité. La partie musicale en live sur le plateau avec une formation type « baloche jazzy » (au piano, Romain Dubuis, à la contrebasse, Séverin « Toskano » Jeanniard, à la batterie, Olivier Mellor) ajoute à la fête une tonalité ironique qui tient de l’humour noir. Si l’on rit, le tableau n’en reste pas moins accablant. Tous, comédiens et musiciens, iront jusqu’au bout de cet acte choral, surexposés par le huis-clos auquel la pièce oblige sans concession.
Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens
A propos de l'événement
La Noce de Bertolt Brecht traduction de Magali Rigaill, mise en scène d’Olivier Mellordu jeudi 7 octobre 2021 au dimanche 31 octobre 2021
Théâtre de l'Epée de bois
Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris
Du jeudi au samedi à 21h, samedi et dimanche à 16h30. Durée : 1h30. Tél : 01 48 08 39 74
Spectacle vu au Centre culturel Jacques Tati/ Amiens