La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

La Cuisse du steward, de Jean-Michel Ribes, mise en scène de Joséphine de Meaux et Mériam Korichi

La Cuisse du steward, de Jean-Michel Ribes, mise en scène de Joséphine de Meaux et Mériam Korichi - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond Point
Jean-Michel Ribes © Giovanni Cittadini

Théâtre du Rond-Point / Jean-Michel Ribes

Publié le 24 août 2022 - N° 302

Après vingt ans passés à rire en résistance, Jean-Michel Ribes tire sa révérence en décembre 2022. La Cuisse du steward, créée en 1990 par Jacqueline Maillan, est reprise dans une mise en scène de Joséphine de Meaux et Mériam Korichi. Dernière bouffe au Rond-Point, fin du banquet !

Pourquoi reprendre La Cuisse du steward aujourd’hui ?

Jean-Michel Ribes : Après Palace, Jacqueline Maillan m’avait demandé une pièce. J’étais en train d’écrire une folie sur l’anthropophagie, sorte de métaphore absurde sur ce monde où tout le monde se bouffe. Je suis parti dans des zigzags d’absurdité sans volonté de message, comme on écrit un cadavre exquis, et nous avons créé la pièce. Pour la reprise, je n’ai rien proposé à personne. C’est Joséphine qui est venue me voir, me l’a relue et j’ai trouvé qu’elle tenait toujours, d’autant que sa lecture la rendait très drôle.

 « Au secours ! Il faut que Dada revienne ! »

Que raconte la pièce ?

J.-M. R. : Un avion s’est crashé dans la cordillère des Andes, avec, à son bord, une équipe de footballeurs. Les survivants mangent leurs pieds grillés et tout ce qui reste dans l’avion. Parmi les morts, un steward admirable qui a sauvé beaucoup de passagers et dont Yvonne Barnette veut, pour lui rendre hommage, garder la cuisse pour le repas de Noël. Surgissent alors d’autres survivants, dont une espèce de révolutionnaire de pacotille qui décide de descendre faire la révolution dans la jungle peuplée de perroquets qui chantent de l’opéra. Disons que c’est un délire qui tient le coup, même trente ans après !

Même à notre époque où le rire est corseté ?

J.-M. R. : Il est vrai qu’on s’enfonce, qu’on se noie, même, dans le marécage de la bien-pensance. Au secours ! Il faut que Dada revienne ! Depuis que la parole est libérée, on ne peut plus dire un mot, et l’ordre moral force l’autocensure chez les créateurs. La médiocrité a droit à la parole et la prend beaucoup. Il y a un affaissement du second degré et le sous-entendu est interdit. Jule Renard disait « on n’est jamais aussi heureux que quand nos plaisanteries font rire la bonne » : aujourd’hui, il serait fusillé illico ! En revanche, les ricaneurs, qui ne dérangent pas, sont légion. Or l’humour doit aller gratter jusqu’à la racine et faire bouger le monde, comme le faisaient Picabia, Queneau, Topor. Le rire fait du bien, il apporte de l’oxygène et il peine évidemment sous la chape de plomb de la bienséance et de conformisme, à moins de supposer, comme Staline, qu’un pays vraiment heureux n’a pas besoin d’humour…

On a été heureux, pourtant, au Rond-Point ?

J.-M. R. : Disons que j’ai la petite fierté de ne pas avoir raté la mission : rompre avec l’esprit de chapelle, diversifier la programmation, oublier l’opprobre sur le rire, et mêler des grands artistes et d’autres moins connus. Le Rond-Point n’a pas été un théâtre de plus, mais un théâtre différent, où on ne programmait pas ce que les gens aimaient mais ce qu’ils ne savaient pas encore qu’ils allaient aimer. Je pars mais je ne me quitte pas moi-même. Et ceux qui viennent après moi sont des amis. Ils vont continuer à défendre les auteurs vivants avec insolence et audace joyeuse.

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

La Cuisse du steward
du mardi 13 septembre 2022 au dimanche 9 octobre 2022
Théâtre du Rond Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris.

à 20h30 ; dimanche à 15h30. Relâche le lundi, le 18 septembre et le 1er octobre. Tél. : 01 44 95 98 21. Tournée, du 12 au 14 octobre au Théâtre National de Nice et du 19 au 21 octobre au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence. Sortie, le 17 octobre, du livre Le Rond-Point, vingt ans de liberté, chez Beaux-Arts magazine et le Rond-Point.

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