La Terrasse

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Théâtre - Critique

La Célestine et Don Juan

La Célestine et Don Juan - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : DR Légende photos : Christian Schiaretti met en scène le Siècle d’or espagnol.

Publié le 10 mars 2011 - N° 187

Après Don Quichotte, créé en décembre, Christian Schiaretti complète son triptyque consacré au Siècle d’or espagnol avec La Célestine et Don Juan, présentés en alternance au Théâtre des Amandiers.

Même dispositif scénique, même équipe technique, même troupe : seul change, entre La Célestine et Don Juan, le pivot scandaleux de l’intrigue. D’un côté une maquerelle pocharde, avorteuse et ravaudeuse de pucelages, qui jouit et tire bénéfice des désirs des autres, de l’autre, un grand seigneur méchant homme, fin bretteur et adroit violeur, qui use immodérément du corps et de la naïveté des femmes : Célestine et Don Juan arpentent chacun leur tour la longue scène bifrontale, installée comme une arène entre deux portes couleur sang de bœuf. Hélène Vincent interprète cette manipulatrice retorse dont les combines jouent de la concupiscence et qui sait révéler les sexes palpitants sous les affèteries minaudières des amants. Julien Tiphaine est le nomade priapique que toute l’Espagne abhorre, à cause de sa cruelle manie de foutre impunément son honneur et ses filles… Célestine et Don Juan sont deux rôles écrasants, que l’histoire du théâtre comme celle de l’Occident ont rendus mythiques. Première différence entre les deux spectacles mis en scène par Christian Schiaretti : si Hélène Vincent peine à camper une Célestine à la hauteur d’incandescence de son rôle, Julien Tiphaine est éblouissant en Don Juan.
 
Une proposition bifrontale manquant d’équilibre
 
Choisissant de poser d’emblée sa Célestine dans une posture énergique et virevoltante, Hélène Vincent en émousse les couleurs et compose une virago monolithique qui va et vient sur toute la longueur de la scène, sans vraiment faire évoluer son personnage. Plus matois, plus subtil, plus inquiétant aussi, Julien Tiphaine offre à son séducteur pervers toute la diaprure d’une psychologie retorse qui parvient même à rendre digne de pitié et d’admiration ce héros désenchanté au masque carnassier. A cette différence s’en ajoute une autre : La Célestine, traduite et adaptée en collaboration avec Florence Delay, aurait mérité sans doute d’être davantage élaguée ; le temps passé par les coquins à profiter des atermoiements amoureux des amants est un peu long. En revanche, le texte français de Don Juan (remarquable travail de Gérald Garutti, Pauline Noblecourt, Christian Schiaretti et Sacha Todorov) est incisif et efficace, diantrement mieux enlevé. On retrouve dans les deux pièces tous les membres de la troupe du TNP. Là encore, une différence de taille (la même dans les deux spectacles) : si les garçons peinent à donner toute leur mesure à leurs personnages, les filles sont talentueuses et précises, bien au-dessus de leurs compagnons de jeu. Reste à saluer les magnifiques costumes de Thibaut Welchlin, la qualité des lumières et du son, et le pari de Christian Schiaretti de monter ensemble ces deux monstres fabuleux, fascinantes matrices de toute l’histoire du théâtre.
 
Catherine Robert


La Célestine, de Fernando de Rojas et Don Juan, de Tirso de Molina ; mises en scène de Christian Schiaretti. Spectacles en alternance du 10 mars au 6 avril 2011. Le dimanche à 15h30 ; du mardi au samedi, à 20h pour La Célestine et à 20h30 pour Don Juan. Détail des dates de l’alternance sur www.nanterre-amandiers.com Théâtre Nanterre-Amandiers, 7, avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre. Réservations au 01 46 14 70 00. Spectacles vues au TNP de Villeurbanne. Durée : La Célestine, 3h30 ; Don Juan, 2h30.

A propos de l'événement


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