la vérité du Fado
Alors qu’elle s’apprête à fouler les planches de l’Olympia et à sortir son premier « best of », Katia Guerreiro peut fièrement regarder derrière elle : en à peine dix ans, cette Portugaise aujourd’hui bien campée dans sa trentaine s’est imposée comme l’une des figures phares du fado. Acclamée du Brésil au Japon, la jeune femme nous raconte comment cette tradition séculaire lusitanienne a bouleversé sa vie.
« J’ai mieux compris le monde et les gens après avoir commencé à chanter le fado. »
Quel mot pourrait résumer ces dix années qui ont suivi la sortie de votre premier disque « Fado Maior » ?
Katia Guerreiro : La surprise ! Je n’avais ni la volonté ni l’envie de devenir une artiste. J’ai laissé les choses arriver… Je n’étais pas préparée au succès ou à la notoriété. Je voulais être médecin, c’est tout. Mais j’ai eu la chance de faire des choses absolument incroyables et de travailler avec des artistes et musiciens qui m’ont fait rêver et m’ont donné envie de suivre ce chemin.
Qu’est-ce qui a changé chez vous ?
K. G. : Je suis vraiment tombée amoureuse de la magie de cette musique ! Avant j’aimais chanter le fado, mais je n’avais pas conscience des émotions que cela provoquait chez les autres. Même des gens qui ne comprennent pas notre langue pleurent et nous font pleurer lors des concerts. De la France au Japon, je me suis rendu compte qu’on ressent tous les choses de la même façon. J’ai mieux compris le monde et les gens après avoir commencé à chanter le fado.
Ce n’était pas le cas quand vous faisiez partie d’un groupe de rock ?
K. G. : J’aime bien le rock, mais c’est avec le fado que j’ai découvert la vérité des émotions, la façon la plus honnête d’exprimer mon essence. Et même quand je chantais du rock, les gens me disaient « tu as quelque chose de fado dans ta voix ! » (rires)
En devenant fadiste, avez-vous fait davantage attention à votre voix ?
K. G. : Dans le fado, il faut être spontané : quand je chante, je ne pense pas. Cette façon de faire sortir la voix typique du fado, on l’a ou on ne l’a pas. Les compositions ne sont pas complexes, mais c’est justement cette simplicité qui donne toute sa beauté au fado. L’interprète peut faire tout ce qu’il veut et même changer les mélodies s’il en ressent le besoin. C’est une interprétation dans le sens fort du terme : vivre intensément ce qu’on fait et célébrer un mariage parfait entre paroles et musique.
En quoi la nouvelle génération de fadistes à laquelle vous appartenez a-t-elle dépoussiéré le genre ?
K. G. : Les gens pensent que le fado, ce ne sont que des chansons tristes, mais ce n’est pas vrai. C’est une musique qui parle de la vie et, dans la vie, les moments tristes alternent avec les moments joyeux. Notre génération a changé cette perception figée : on chante l’amour, l’espoir, l’amitié… On chante la poésie populaire, mais aussi contemporaine, qui est universelle. Ce ne sont plus des petites histoires des quartiers de Lisbonne comme il y a trente ans.
La poésie joue-t-elle un rôle capital dans votre univers ?
K. G. : Oui, j’ai énormément de livres de poésie chez moi… mais je ne les mets pas tous en musique! Mais dès que je me reconnais dans un poème, j’ai envie de le chanter. Je ne suis pas actrice, je ne suis pas capable de jouer un personnage autre que moi-même : pour exprimer avec vérité des émotions, il faut donc que je me retrouve dans ce que je chante. C’est pourquoi certains soirs, selon l’atmosphère de la salle ou mes sentiments du moment, je peux changer la set-list du concert au dernier moment. Il faut toujours chanter la vérité !
Propos recueillis par Mathieu Durand
Lundi 23 janvier à 20h à l’Olympia. Tél. : 08 92 68 33 68.