« Love, Linda • La vie de Mrs Cole Porter », de Broadway à Avignon dans les valises d’Isabelle Georges et Tristan Petitgirard.
Après avoir triomphé à Broadway, ce spectacle [...]
Nombreuses sont les pièces de théâtre qui portent sur scène, de diverses façons, le sort des personnes migrantes. Avec KANO, la compagnie Les Argonautes prouve que le langage circassien peut également traiter ces sujets lourds et complexes d’une manière sensible, sans une seule parole.
Il était une fois la mer. Et le rempart qu’elle constitue pour les hommes et les femmes, obstacle naturel érigé en frontière, piège mortel pour séparer les populations. Toutes les routes de l’exil ne passent pas par la Méditerranée, mais KANO prend le parti d’en faire le symbole des routes périlleuses suivies par les migrantes et les migrants. Tandis que passe un film montrant des images de vagues, de mouettes et de poissons, quatre personnages se fraient un chemin à l’arrière-scène, derrière le tulle qui sert de support à la projection, quatre corps qui rampent, escaladent des obstacles, passent et repassent, leur nudité constituant probablement une métaphore de leur total dénuement. Passée cette séquence, les cartes sont rebattues : sur les quatre, l’un est musicien et trois interprètent des personnes migrantes avec des techniques de corps. Le premier incarne un point de vue extérieur à l’intrigue, même s’il interagit brièvement avec les migrants ; lui semble plutôt être une sorte de marin, bonnet rouge vissé sur le crâne, violon à la main, il commence la pièce dans une sorte de cabine de bateau, sur un fond sonore faits des grincements caractéristiques de l’intérieur d’un navire en mer. Les trois autres n’ont pas la parole – symbole, là encore – mais n’en traversent pas moins des scènes très explicites. KANO se présente néanmoins comme un récit : une fois les trois personnages introduits sur scène par une trappe, le parcours de chacun et de chacune est développé individuellement, exprimé avec divers agrès ou techniques, qui la danse, qui l’acrobatie ou la corde lisse – cette dernière étant ici remplacée par une écharpe de laine, souvenir pour le personnage des êtres perdus en chemin, dont Anke Fiévez s’empare pour proposer une ascension contrariée, lutte contre la gravité et le poids de la séparation.
Un récit qui passe entièrement par le corps et la musique
On découvre graduellement des itinéraires empreints de souffrance, transcendés par moments par la grâce d’une belle image ou d’un geste bouleversant. La séquence durant laquelle le personnage de Marina Cherry, dont on comprend qu’iel est trans, danse devant un miroir sans tain, son reflet étant graduellement remplacé par le corps d’Aurélien Oudot, est saisissante de force et de beauté. À jardin, une tournette permet de mettre en scène une progression qui n’a pas de fin, ou la vacuité des efforts des personnages marchant contre l’implacable mouvement contraire de la mécanique. Elle est le lieu de quelques scènes traitées avec une intention grotesque – les personnages prennent place à bord de pliages géants de bateaux en papier, par exemple – qui ne convainquent pas, la confrontation du pathétique et de l’exagération ne produisant pas le décalage attendu. L’accompagnement musical, inspiré d’airs de musiques populaires françaises et québécoises, a beaucoup d’originalité, et s’il n’atteint pas l’universalité mise en avant par la compagnie, il nous semble que sa dimension au contraire très située convient bien au spectacle : elle vient nous rappeler depuis quel point de vue nous regardons la question abordée, en même temps qu’elle nous rappelle que la roue tourne et que celles et ceux qui habitent aujourd’hui sur une terre d’accueil, pourraient demain se retrouver sur les routes. KANO est un spectacle qui passe par le subjectif et le sensible, laissant au public le choix de politiser le sujet par lui-même.
Mathieu Dochtermann
à 22h10. Relâche les 9, 15 et 21 juillet. Site : https://www.theatredutrainbleu.fr. Durée 1h10. Tél. : 04 32 74 18 54.
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