L’Occupation
Romane Bohringer, magnétique, éblouissante et [...]
Le metteur en scène Julien Gosselin signe un nouveau spectacle-fleuve alliant théâtre et cinéma. Il met en regard trois romans* de Don DeLillo. Entre intime et politique, une plongée disparate au sein de l’histoire du terrorisme.
La feuille de salle du Festival d’Avignon le mentionnait explicitement : les spectateurs de Joueurs / Mao II / Les Noms étaient autorisés, lors de la création du spectacle l’été dernier, à sortir et entrer librement durant les dix heures que durait la représentation (chaque partie, au Théâtre de l’Odéon, peut être vue indépendamment). Ce qui pourrait sembler accessoire est en fait emblématique des recherches artistiques auxquelles se consacre Julien Gosselin depuis sa sortie de l’Ecole du Théâtre du Nord, en 2009 : réinventer non seulement « l’objet théâtre », mais aussi la relation qu’entretiennent avec lui les spectatrices et spectateurs. Dans cette volonté de repenser les codes et la matière de l’art dramatique, le rapport au temps est essentiel, ainsi que le rapport aux images filmées (réalisées en direct) et à la littérature. Ces trois axes de réflexion et d’expérimentation sont au cœur du théâtre que présente le jeune metteur en scène aux Ateliers Berthier dans la cadre du Festival d’Automne à Paris : un théâtre-cinéma qui propose un voyage en trois parties au sein de l’œuvre de Don DeLillo.
Réalisme cinématographique
Cette excursion au long cours, interprété par une troupe de treize comédiennes et comédiens, met en scène et en images des fragments de Joueurs, Mao II et Les Noms, romans ayant pour unique lien narratif d’investir des parcours de personnages liés à des situations de violence terroriste. De New York au Moyen-Orient et à Athènes, des choses de l’intime se mêlent à des choses du politique en portant un regard grinçant et désenchanté sur l’existence. On sent, chez Julien Gosselin, une volonté sincère de partager son attrait pour l’écriture de l’auteur américain en établissant les bases d’un art scénique qui s’appuie sur le rapprochement entre théâtre et cinéma. Cette sincérité, associée à un indéniable savoir-faire formel, serait assez séduisante si le travail du metteur en scène ne posait pas la question épineuse du débordement du théâtre par le cinéma. Car les longs moments de projection pure, qui masquent la réalité même du plateau, ainsi que les scènes qui mêlent images filmées et présence physique des interprètes, ne viennent pas augmenter le théâtre en élargissant ses possibilités, en enrichissant ses points de vue, mais viennent au contraire l’escamoter. Nourri d’un réalisme cinématographique qui parfois convainc, parfois donne une impression de facilité, ce triptyque déplie, illustre, associe. On aurait aimé qu’il creuse davantage, qu’il aille à la fois plus haut et plus profond.
Manuel Piolat Soleymat
* Publiés chez Actes Sud
A 20h : le mardi, Joueurs ; le mercredi, Mao II ; le jeudi, Les Noms. Intégrales les samedis et dimanches à 13h30 (durée de l’intégrale : 10h, dont deux entractes). Spectacle vu le 13 juillet 2018 au Festival d’Avignon. Tél. : 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu
Egalement le 19 janvier 2019 à Bonlieu – Scène nationale d’Annecy, le 16 février au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, le 16 mars au Quartz à Brest, du 23 au 30 mars au Théâtre national de Bretagne à Rennes.
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