La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2021 - Entretien

Je ne marcherai plus dans les traces de tes pas / Ma Forêt fantôme, mise en scène Vincent Dussart

Je ne marcherai plus dans les traces de tes pas / Ma Forêt fantôme, mise en scène Vincent Dussart - Critique sortie Avignon / 2021 Avignon
DR Le metteur en scène Vincent Dussart

Le 11. Avignon / Je ne marcherai plus dans les traces de tes pas / d'Alexandra Badea / mise en scène Vincent Dussart
Présence Pasteur / Ma Forêt fantôme / de Denis Lachaud / mise en scène Vincent Dussart

Publié le 25 juin 2021 - N° 290

Vincent Dussart porte à la scène deux textes. L’un d’Alexandra Badea  explorant la question de la honte et du jugement, l’autre de Denis Lachaud  revenant sur la pandémie du Sida et sa mémoire.

Comment est né le texte d’Alexandra Badea ?

Vincent Dussart : J’ai souhaité travailler sur la thématique de la honte, qui me semble être centrale dans la (dé)construction des individus. Ce désir a fait suite aux recherches entamées lors de mes spectacles précédents sur les failles dans la construction de l’individu et sur la question de la reconnaissance, notamment avec Pulvérisés d’Alexandra Badea. Nous avons abordé ensemble cette question de la honte en lien avec des chercheurs de l’Université de Lille, et de ce processus a émergé le texte. La pièce rassemble trois chercheurs universitaires lors d’un voyage d’études en Afrique de l’Ouest pour étudier les impacts des programmes humanitaires. Le chef de projet, et deux femmes. L’une expérimentée mais pas encore reconnue, l’autre jeune et originaire du pays visité. La confrontation à l’autre entraîne le risque de la dévalorisation, du jugement et d’un éventuel rejet. Jeux de pouvoir, rapports de domination, chacun tente de garder son masque pour ne pas tomber. Paul D. a honte de ne pas être à la hauteur, Laura L. a honte de ses origines sociales, Doris M. éprouve la honte du survivant. Trois hontes qui se dissimulent derrière un bouclier mais, au milieu des dialogues, surgissent des monologues intérieurs qui disent le désarroi, la détresse et la fragilité.

« Se souvenir, c’est chercher à éclairer les parts manquantes de l’histoire. »

La honte est souvent associée au non-dit, à la dissimulation voire à l’incompréhension. Comment la mise en scène se saisit-elle de ces enjeux ?

V.D. : Parler de la honte, c’est parler de la difficulté de s’accepter soi, c’est mettre en question les normes qui proposent de courir derrière l’illusion de la perfection et de la réussite. Un spectacle qui fait le pari d’offrir une vision subjective de la honte nécessite de travailler sur des champs artistiques multiples. L’espace scénographique, l’écriture chorégraphique, l’environnement musical immersif sont autant de possibilités de donner à voir et à ressentir les perturbations physiques, sensorielles et psychiques générées par ces « accès de honte ». Donner à entendre, aussi, que lorsque la honte arrive à s’exprimer, les individus s’affranchissent de la souffrance qu’elle provoque. Ils libèrent alors les trésors d’humanité qu’elle dissimulait.

Quelle est cette « forêt fantôme » qui donne son titre à la pièce – Ma Forêt fantôme ?

V.D. : Denis Lachaud explique avoir fondé l’écriture de Ma Forêt fantôme sur un témoignage, celui d’un homme racontant que pendant les années 80 et 90, il n’avait cessé de rayer des noms dans son agenda à cause du sida. Il a écrit la pièce autour de cette liste, « afin qu’elle la porte comme une stèle... ». Elle met en présence deux vivants, Jean et Suzanne, frère et sœur, et deux fantômes, Paul, le mari de Suzanne, mort suite à la maladie d’Alzheimer, et Nicolas, le compagnon de Jean, mort du Sida. Ma Foret fantôme est une pièce sur la mémoire et l’oubli. Les morts sont présents tels qu’ils sont dans les souvenirs des vivants. Paul et Nicolas ne sont pas les seuls morts présents, il y a les amants de jeunesse, les ancêtres, les militants… Ils sont beaux car, finalement, ils sont vivants, ivres de leur jeunesse. Ils montrent la mort pour rappeler la beauté de ce qui fait l’existence, avec en tête de liste l’amour et l’amitié.

Que voulez-vous transmettre en explorant le rapport à la maladie, à la vieillesse ?

V.D. : La violence de la pandémie du Sida et ses 32 millions de morts ont tant fait traumatisme qu’un certain déni a recouvert cette tragédie. Se souvenir, c’est chercher à éclairer les parts manquantes de l’histoire, à comprendre de quelles couches de sédiments nous sommes constitués. Les jeunes générations grandissent sans rien savoir de cette période, qui, pourtant, j’en suis certain, colore encore aujourd’hui leurs arrières-plans mentaux, alors que le Sida est toujours là, un peu tapi dans l’ombre, mais bien présent.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Je ne marcherai plus dans les traces de tes pas / Ma Forêt fantôme


Avignon Off. Je ne marcherai plus dans les traces de tes pas  au 11 . Avignon, 11 Bd Raspail.

Du 7 au 29 juillet à 16h45, relâche les 12,19 et 26 juillet. Tél : 04 84 51 20 10.

Ma Forêt fantôme à Présence Pasteur,  13 rue du Pont Trouca. Du 7 au 29 juillet à 21h25, relâche les 12,19 et 26 juillet. Tél : 04 32 74 18 54.

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