Je danse parce que je me méfie des mots
Ménagerie de Verre / Festival Les Inaccoutumés / Chor. Kaori Ito
Publié le 22 décembre 2015 - N° 239Un portrait intimiste dans lequel Kaori Ito explore ses racines, au travers d’une rencontre artistique et humaine avec son père Hiroshi Ito.
Kaori Ito a réalisé une brillante carrière de danseuse en Occident, interprète d’Alain Platel, de Philippe Decouflé ou d’Angelin Preljocaj, d’Aurélien Bory ou James Thierrée. Mais aujourd’hui elle explore son propre langage chorégraphique à partir de son histoire et de sa géographie personnelle, quelque part entre deux cultures, où son corps s’est glissé. En costume traditionnel, la voici face à son père, Hiroshi, sculpteur, comme une sorte de garant des mots et des gestes qui vont suivre. Ou plutôt, le gardien de son enfance, l’ancre de ce Japon longtemps quitté, désormais revendiqué. Kaori parle d’elle, enchaîne les questions, comme pour remplir ce vide. Tout y passe, c’est parfois loufoque, toujours profond et teinté d’un humour délicat. Soudain : « Pourquoi dit-on de moi que je suis un insecte sensuel ? ». Façon de renvoyer aux chorégraphes cet exotisme imposé. Aussitôt, la voilà qui endosse tour à tour le visage d’une poupée et se livre à une gestuelle qui hésite entre une caricature de samouraï et la petite fille dans l’Exorciste, avec une charge grotesque qui tient tout autant d’une Valeska Gert que du manga japonais. Puis la voilà cygne, danseuse indienne, bauschienne… Une traversée express de son histoire !
Un face-à-face émouvant
Son père, pendant ce temps reste immobile. Assis sur sa chaise en silence, comme laissant entre eux un espace restreint mais pourtant infranchissable. Tout change quand elle ôte ses habits de folklore et apparaît en robe noire. Renouant avec la danseuse contemporaine que l’on connaît, déployant sa gestuelle fluide, sensitive, singulière. Alors, son père se lève et entre dans la danse. Sa silhouette fine, noire, très graphique, fait penser à ces encres de Kafka. Il chante une série de musicals avant d’entonner – en japonais – Les Feuilles mortes ou le Sirtaki de Zorba, joignant le geste à la parole. Personnage léger, aérien, il a la même souplesse que sa fille, la même étrangeté qui tient à une certaine distance avec le monde. Un dialogue se noue, tendre et grave, marquant plus que des retrouvailles, une vraie rencontre entre artistes, et entre un père et sa fille. « Les humains créent la réalité par l’imagination » dit le père… Kaori Ito, elle, a réinventé la paternité par la danse.
Agnès Izrine
A propos de l'événement
Je danse parce que je me méfie des motsdu vendredi 11 décembre 2015 au samedi 2 avril 2016
La Ménagerie de Verre
12 Rue Lechevin, 75011 Paris, France
Les 11 et 12 décembre 2015. Tél. : 01 43 38 33 44. Durée : 1h00.
Egalement : Les 19 et 20 janvier 2016 à l’Hexagone Scène nationale Meylan ; les 22 et 23 janvier 2016 au Lieu Unique, Nantes ; les 29 et 30 janvier 2016 à La Ferme du Buisson, Marne-la-Vallée ; le 5 février 2016 à l’Octogone de Pully ; le 5 mars 2016 à l’Avant-Scène de Cognac ; les 8 et 9 mars 2016 au Théâtre de Suresnes Jean-Vilar ; du 17 au 19 mars 2016 au Théâtre Garonne de Toulouse ; du 30 mars au 2 avril au 104, Paris.