Jeux de mots et de notes
Pour souffler ses trente bougies, le festival Jazz sous les Pommiers est à l’initiative d’une création alléchante mariant les notes et les mots. Les deux acteurs principaux de cette rencontre inédite nous en disent plus.
Ce sera sans doute l’un des événements phares de ce trentième Jazz sous les Pommiers. C’est ainsi que Denis Le Bas, directeur du festival normand, l’a imaginé : « l’idée, c’était de fêter cet anniversaire avec un projet original prolongeant l’amitié artistique que nous avons développée avec Jacques Gamblin depuis plusieurs années. Mais on ne voulait surtout pas d’une lecture classique avec un beau piano dans un coin. » Pour faire face à l’homme de cinéma et de théâtre jazzophile – « ce qui m’excitait, c’était de raconter ce qui me bouleverse dans le jazz : quand je vais à un concert, je suis à fond dedans, ça parle à mes tripes ! » confie le comédien -, il fallait bien un musicien écrivain de la trempe de Laurent De Wilde. Derrière le pianiste se cache un homme de lettres, auteur d’un ouvrage référence sur Thelonious Monk : « ce fut une vraie émotion pour moi d’entendre Jacques lire mes textes. J’avais fait moi-même des lectures quand le bouquin était sorti et je croyais que j’étais un grand acteur… Quand j’ai entendu Jacques, je me suis dit : les professionnels, c’est quand même mieux ! J’ai un rapport très sensible au texte et ça me permet de le mettre plus facilement en musique : c’est un va-et-vient qui m’excite énormément. » Au menu, un dialogue débridé (« on ne s’interdit rien » nous précisent-ils) entre le quintette de Laurent de Wilde augmenté d’un DJ et des textes de Jean-Paul Sartre, Christian Gailly ou Jean-Louis Comolli. Dès les premières répétitions, le pianiste a admiré l’implication du comédien : « c’était exactement comme s’il avait pris un sax dans la bouche et qu’il avait commencé à jouer. On était forcé de lui emboîter le pas ! »
Duettistes complémentaires
Emporté par le jazz comme par une vague créatrice, Jacques Gamblin s’est mis à écrire des textes spécialement pour cette création : « C’est venu d’un coup : j’ai ouvert un robinet et ça s’est mis à couler ! Je me suis amusé à développer une écriture très rythmée, très scandée, pas du tout narrative, même si ça peut aussi raconter une petite histoire. Les autres textes vont donc se retrouver comme des bulles d’air à l’intérieur de ce long freestyle de mots. Bien sûr, tout ça est complètement lié à la rencontre avec Laurent. » Et quand on les entend parler du projet comme des duettistes complémentaires, on a l’impression que le courant électrique et alternatif est bien passé et l’on se dit que le résultat risque de détoner. Il a suffi de voir Jacques Gamblin applaudir des deux mains (« bravo, personne ne pourrait dire les choses aussi joliment ! ») et d’entendrela métaphore finale proposée par Laurent de Wilde pour décrire leurs séances de travail : « c’était exactement comme si on avait un clavier et que chaque texte était une note. En appuyant sur toutes les touches en même temps, on a commencé à voir comment les textes résonnaient les uns par rapport aux autres, exactement comme des notes. Parfois, on était trop dans le grave, d’autres fois il y avait deux fois la même note dans l’accord… C’était comme un travail d’arrangeur. »
Les samedi 28 et lundi 30 mai à 20h30 et le dimanche 29 mai à 16h et 20h au théâtre municipal de Coutances. Tél. 02 33 76 78 50.
Et aussi à Jazz sous les Pommiers du 28 mai au 4 juin à Coutances : Youn Sun Nah, Chucho Valdès (le 28), Thomas de Pourquery Supersonic, Eddy Louiss (le 29), Paolo Fresu, Eric Bibb (le 31), Aldo Romano, Giovanni Mirabassi (le 1er juin), Michel Portal Sextet, Guillame Perret & Electric Epic (le 2), ONJ « Shut up and Dance », Joachim Kühn Trio (le 3), Fred Wesley & the New JB’s, Tigran Hamasyan (le 4)…