Théâtre - Gros Plan /Avignon Off 2021
Incandescences d’Ahmed Madani
Théâtre des Halles / Texte et mise en scène Ahmed Madani
Publié le 21 mai 2021 - N° 290Après Illumination(s) et F(l)ammes, Ahmed Madani clôt la trilogie Face à leur destin en explorant le sujet incandescent de l’amour, en compagnie de neuf des quartiers populaires. Entre légèreté et gravité, leur formidable travail choral explore la relation au désir et à la vie conjugale. Une affaire compliquée…
Aboubacar Camara, Ibrahima Diop, Virgil Leclaire, Marie Ntotcho, Julie Plaisir, Philippe Quy, Merbouha Rahmani, Jordan Rezgui, Izabella Zak. Neuf garçons et filles non catégorisables. C’est sans doute ce qui fait la force du théâtre d’Ahmed Madani. Si son théâtre se fonde sur la rencontre avec des jeunes non professionnels, nés de parents ayant vécu l’exil et résidant dans des quartiers populaires, ce n’est pas pour se calquer sur tels ou tels discours ou attentes, mais bien pour porter à la scène dans la dignité la vivante complexité de chaque existence, lestée de ses forces et ses fragilités. Pour révéler aussi avec finesse les liens et les contradictions qui se nouent entre divers parcours, les échos et résonances qui s’articulent entre l’intime et le politique, entre les contextes familiaux, socio-économiques et historiques. Avec toujours une touche d’inattendu. Dernier volet de la trilogie Face à leur destin, Incandescences fait suite à Illumination(s) (2012), et à F(l)ammes (2016), deux succès déjà présentés au Théâtre des Halles. A nouveau s’affirment haut et fort le plaisir du théâtre et le goût du partage, autour d’un thème ultra-sensible : l’amour, la sexualité, le désir. Un champ de possibles nourri de surprises et de détours, mais aussi un champ d’impossibles assujetti aux diktats familiaux, religieux et sociaux.
Entre le jeu et l’être, le goût du partage
Au départ, chacun ou chacune évoque l’histoire de ses parents – coup de foudre, mariage arrangé, foyer polygame, père baratineur, silence radio car le sujet est tabou… –, avant de revenir sur soi, des premiers émois aux défis à venir. Dans une forme d’ambiguïté entre le jeu et l’être, entre la réalité et la fiction, le spectacle-performance navigue entre légèreté et gravité, se fait caisse de résonance à la fois des préoccupations générales de la jeunesse et des particularismes de chacun et chacune. On retrouve le beau travail du vidéaste Nicolas Clauss, ainsi que le travail choral commun aux trois volets. Conjuguant jeu, chant et danse, les interprètes font preuve d’énergie et détermination. Leurs personnages se confrontent à plusieurs entraves : omniprésence des écrans qui font et défont la réputation, harcèlent et condamnent, surveillance au nom de la religion évidemment pour « le bien » de la femme, tension entre normes de l’islam et découverte de sa singularité, viol passé sous silence pour éviter la stigmatisation… Entre injonctions et désirs d’émancipation, l’équation n’est pas simple à résoudre. Loin des idées toutes faites, les comédiens offrent un beau moment d’humanité partagée.
Agnès Santi
A propos de l'événement
Incandescences d'Ahmed Madanidu mercredi 7 juillet 2021 au vendredi 30 juillet 2021
Théâtre des Halles
rue du Roi René, 84000 Avignon
à 11h. Relâche les mardis. Tél. : 04 32 76 24 51.