« L’Oiseau-lignes » de Chloé Moglia et Marielle Chatain
Chloé Moglia a l’art d’ouvrir des espaces [...]
Inspiré par l’Arctique, Mathurin Bolze signe une pièce lumineuse, telle une traversée dans des environnements et des corps sans cesse bouleversés.
Entre l’image du début – en forme d’envers du décor en impressionnante structure de métal – et celle de la fin – telle une frêle envolée poétique en délicate transparence -, quel monde, et quelle traversée nous a fait vivre Mathurin Bolze ! Ces deux monticules de fer et d’air, de noir et de blanc, se répondent pour ouvrir et clore une épopée visuelle, gestuelle et sonore profondément liée à la question scénographique, comme souvent chez cet artiste. Dans cette nouvelle création, le dispositif, d’abord un véritable mur qui bloque la vue et l’espace, se révèle être une force mouvante capable de déplacer les imaginaires et les corps vers des contrées inexplorées. A la conception et à la manœuvre, Gala Ognibene a su à la fois jouer sur les inspirations de Mathurin Bolze, et offrir un extraordinaire terrain de jeu aux acrobates. Quand il s’ouvre à notre regard, il dévoile sa surface lisse et blanche, semblable à une vague venue de la banquise, haute comme un iceberg. Emerge alors d’une tempête de neige une trapéziste, tout en fragilité, tout en déséquilibres, qui se désarticule telle une marionnette. Mais ce premier corps, aux prises avec un environnement d’une grande dureté, ne résume pas le projet de ce spectacle, né d’un voyage de Mathurin Bolze en terre arctique avec le compositeur et explorateur Philippe Le Goff. Si les sons et les impressions rapportés occupent l’imaginaire d’Immaqaa, la proposition est suffisamment ouverte et pleine de surprises pour faire de ce peuple d’acrobates une tribu riche de mystères, de pratiques et d’histoires étonnantes.
Une pièce pleine de rebonds
Même si le sol craquelle et avale les corps, même si la glisse déstabilise et remet en cause leur progression, il y aura toujours un nouvel espace à créer, une nouvelle faille à explorer, une nouvelle hauteur à tester. Les acrobates nous disent la persévérance, nous invitent à nous tenir debout, même s’il s’agit, en réalité, de finir suspendus… Comme arrivé de nulle part, le trampoline donne vie à d’incroyables sauts et rebonds d’où émergent des portés, dans des combinaisons surprenantes qui croisent les disciplines. Ailleurs, c’est un mât chinois qui s’érige, ou un duo entre un porteur et une voltigeuse qui se distingue par un jeu du chat et de la souris. Les multiples manœuvres de la scénographie, entre décompositions et recompositions, bouleversent les espaces et les corps et donnent au « ici, peut-être » du titre du spectacle tout son sens. Car c’est ici ou ailleurs, dans l’instabilité comme dans l’incertitude, que s’exprime le mieux ce groupe d’humains : ils peuvent à leur guise s’inventer des vies, produire des images, forger des liens et cultiver la relation. Quand la banquise devient un campement, quand l’inhospitalité laisse place à la fête, c’est alors que l’imaginaire peut laisser place aux plus belles images, et à cette bulle de poésie et de lumière qui clôt brillamment cette traversée en terres humaines.
Nathalie Yokel
à 20h. Tél : : 04 74 50 40 00. BONLIEU – scène nationale d’Annecy, 1 rue Jean Jaurès, 74000 Annecy. Les 16 et 18 avril à 20h30, les 17 et 19 à 19h. Tél : 04 50 33 44 11. Durée : 1h15. Spectacle vu au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines.
Tournée :
Les 21 et 22 mai : Espace des Arts – scène nationale de Chalon-sur-Saône
Du 3 au 6 juin : Maison de la Danse, Lyon dans le cadre du Festival utoPistes
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