Ilka Schönbein et Laurie Cannac / Un poisson-clown amoureux
Le Grand Parquet / Queue de Poissonne / d’après La petite Sirène, de Hans Christian Andersen / mes Ilka Schönbein / Conception, marionnettes, manipulation et jeu, Laurie Cannac
Publié le 13 octobre 2013 - N° 213Après Faim de loup, Ilka Schönbein et Laurie Cannac se retrouvent et imaginent un spectacle à partir de La petite Sirène, d’Andersen. Leurs talents conjugués explorent les abysses de l’amour.
Accroche : « Ilka amène toujours son exigence, son esthétique et son style avec elle ; moi, j’amène ma personnalité, mon corps différent du sien. » (L. C.)
Comment avez-vous décidé de créer ce spectacle ensemble ?
Ilka Schönbein : Lorsque j’ai rencontré Laurie lors d’un de ses spectacles, et parce son travail m’avait beaucoup plu, j’ai fait quelque chose que je fais rarement, et lui ai proposé mon aide si elle en éprouvait un jour le besoin.
Laurie Cannac : C’était au festival de Kingersheim, où je jouais Petits rêves faits main. Cette proposition était incroyable ! Ilka a une telle influence et une telle importance pour toute ma génération, que c’était comme un rêve ! D’ailleurs, ça a été comme dans un rêve de travailler avec elle ! En création sur ce qui allait devenir Faim de loup, le travail en commun s’est très bien passé.
I. S. : L’évidence était là pour nous deux de travailler ensemble. Laurie m’a dit, après Faim de loup, qu’elle avait trouvé un conte qui l’intéressait et lui correspondait. C’était La petite Sirène. J’étais très étonnée, et déroutée par le choix de ce conte très romantique, avec beaucoup de texte. A mes yeux, il n’était pas évident de faire quelque chose de cette histoire très compliquée : j’aime les histoires très simples ! En plus, Laurie n’est absolument pas petite sirène comme personnage ! « Si tu veux ça, essaie, lui ai-je dit, je viendrai ensuite et te dirai si je suis intéressée ou pas. »
Pourquoi ce texte ?
L. C. : J’avais envie de travailler sur l’amour et j’avais envie de parler d’amour aux enfants, même si ce spectacle s’adresse aux adultes et aux enfants. J’ai lu tous les grands mythes. Rien ne m’inspirait. C’est dans le vent, lors d’un voyage entre le Pays basque et la Bretagne, que m’est venue l’idée de La petite Sirène. C’est un conte cruel, mais qui, chez Andersen, ne finit pas si mal que ça, puisque la petite sirène s’élève à la fin, s’envole et rencontre les filles de l’air qui la sauvent et lui offrent une âme. Mais il y avait trop de choses à traiter dans le texte original, et nous avons décidé d’écarter tout ce qui concernait l’âme et la perte de la voix.
Comment l’avez-vous adapté ?
I. S. : L’important du travail a été de simplifier cette histoire et de créer un spectacle qui s’adapte au personnage de Laurie. Il y a eu plein de moments où nous avons failli abandonner, mais nous avons fini par parvenir à une version très simple. Nous avons conservé l’histoire de cette femme qui sacrifie beaucoup d’elle-même pour plaire à son prince charmant.
L. C. : Notre sirène est une amoureuse, élevée dans un univers amniotique, dont elle sort pour rencontrer l’autre. La sirène est un être pas tout à fait fini, qui a encore un pied dans le monde animal. Elle est en contact avec certains mystères des abysses non explorées. Elle n’a pas fini de pousser. Elle est en découverte totale de tout. Elle découvre le monde d’en haut qu’elle idéalise : l’amour, ce prince dont elle tombe amoureuse alors qu’elle l’a à peine vu. Elle est comme un enfant qui joue et crée son histoire. Mais la réalité va lui résister, ce qui la force à grandir de façon rude. Et c’est sa candeur, son trop d’enthousiasme et son innocence qui finalement la sauvent.
Comment se croisent vos apports respectifs ?
I. S. : Mon travail a d’abord consisté à fabriquer des marionnettes avec ce que Laurie me proposait. A suivi tout le travail de conception. Je suis un peu la couturière de ce spectacle : pour que le conte s’adapte bien à Laurie, il fallait de la haute couture. A la fin, cela donne un drôle de truc, dont l’aspect romantique initial est évacué. Il y a, dans ce conte, tout l’univers de l’eau et de l’air, qui ne va pas du tout avec Laurie, qui est un personnage plein de terre ! Mais dans la mer, il y a une autre dimension, pleine de monstres, de transformations, d’éléments sombres, étranges, et cela s’adapte bien au personnage de Laurie. Et dans ce conte très triste, et parce qu’il faut toujours éviter le danger de l’être trop, il a fallu trouver le côté clown, adapter le clown de Laurie à cette histoire.
L. C. : J’ai amené des propositions à explorer. Tout se fait au plateau. C’est la marionnette qui nous guide, l’image qui nous révèle des sens auxquels nous n’avions pas pensé. Le travail a été long : suivre des pistes, se laisser perdre, chercher des formes qu’on n’a pas encore vues. Il faut que la marionnette porte une émotion et un sens en elle-même. Ilka amène toujours son exigence, son esthétique et son style avec elle ; moi, j’amène ma personnalité, mon corps différent du sien. Et tout cela se croise.
Propos recueillis par Catherine Robert
A propos de l'événement
Ilka Schönbein et Laurie Cannac / Un poisson-clown amoureuxdu dimanche 13 octobre 2013 au dimanche 3 novembre 2013
Le Grand Parquet
35, rue d’Aubervilliers, 75018 Paris
Du 18 octobre au 3 novembre 2013. Vendredi et samedi à 19h ; jeudi à 10h et 15h ; dimanche à 15h. A partir de 8 ans. Tél. : 01 40 05 01 50. A venir : du 4 au 16 mars 2014 au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, Le Silence des chevreaux, d’Ilka Schönbein