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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

IL FAUT TOUJOURS TERMINER QU’EST-CE QU’ON A COMMENCE (LE MEPRIS)

IL FAUT TOUJOURS TERMINER QU’EST-CE QU’ON A COMMENCE (LE MEPRIS) - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre national de la Colline.

Reprise / Théâtre de la Colline / d’après Moravia, Godard, Dante, Homère, Pétrarque, Hölderlin / conception Nicolas Liautard

Publié le 8 mars 2015 - N° 230

A partir des histoires qui nourrissent Le Mépris (roman et film), Nicolas Liautard parvient à construire une œuvre captivante, une sorte de chambre d’échos qui questionne personnages et spectateurs avec acuité et humour. 

S’appuyant sur le roman Le Mépris d’Alberto Moravia (1954), sur le film de Jean-Luc Godard (1963), sur La Divine Comédie de Dante, et sur Pétrarque, Nicolas Liautard compose une pièce captivante, traversée d’humour, nourrie de multiples effets de miroir et de résonance entre les œuvres, les personnages et les thèmes. L’amour, l’art et la connaissance sont alliés… Il jongle avec les identités et la trame narrative, revisite ironiquement l’épopée d’Ulysse, et met en lumière avec finesse le parallèle entre la crise du couple et le renoncement artistique, la dialectique entre les instincts et la raison, les écarts entre ce que l’on désire et ce qui advient à l’épreuve du réel, générant compromissions et malentendus. Dans un dispositif bi-frontal, sous le regard des spectateurs et sous celui des protagonistes qui observent l’action tel un jury, tout commence par un entraînement de boxe entre deux femmes ; l’une arbore des tatouages d’animaux, qui rappellent les bêtes féroces ayant empêché le poète de gravir la colline dans l’œuvre de Dante. Quels obstacles surmonter, quels combats mener pour arriver à être soi ? La question se pose pour chacun, et singulièrement pour les artistes, dans un monde régi par l’argent et la consommation, où il s’agit de faire une place à l’acte de création. Il s’agit aussi de faire représentation de cet entrelacement d’histoires et de ces répercussions profondes et diverses, et le metteur en scène y parvient haut la main

« Tu n’es pas un homme… »

Coup de projecteur sur le couple mythique. Lui, auteur de théâtre, accepte d’écrire un scénario pour un producteur américain, en collaboration avec l’allemand Wolfgang, afin de payer le crédit de sa maison. Il s’agit de porter à l’écran L’Odyssée, avec son lot de « naked women, wizards, monsters… » (on sait que les producteurs américains du film de Godard avaient tenu à ce qu’il y ait des scènes de nu avec Bardot). Tous partent à Capri dans la villa du producteur. Elle, Béatrice, sans réelle occupation, veut dormir seule. Elle avoue à son mari qu’elle ne l’aime plus et le méprise. « Tu n’es pas un homme… » Le point de vue de Wolfgang sur L’Odyssée ancre le mythe dans l’intime et la modernité : c’est selon lui l’histoire « d’une incompatibilité conjugale » entre Ulysse et Pénélope. L’époux et auteur affirme au contraire vouloir s’attacher à la langue sublime des poètes, au bleu de la Méditerranée, aux récits grandioses, et finalement il appréhende de mieux en mieux ses soucis amoureux et artistiques. Pas de héros ici, mais des êtres en recherche de vérité, des brèches de questionnement qui s’ouvrent. La rencontre dans un parking avec le fantôme homérique, nu, casqué et lance à la main, est vraiment drôle. Le jeu des acteurs très tenu, la mise en scène soigneusement travaillée, la combinaison artisanale et modeste des effets du théâtre font de cette interprétation scénique vivante et personnelle une très belle réussite.

A propos de l'événement

IL FAUT TOUJOURS TERMINER QU’EST-CE QU’ON A COMMENCE (LE MEPRIS)
du mardi 3 mars 2015 au dimanche 29 mars 2015
Théâtre national de la Colline.
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France

du mercredi au samedi à 21h, mardi à 19h, dimanche à 16h. Tél : 01 44 62 52 52. Durée : 2h30. Spectacle vu à la Scène Watteau lors de la création en 2013.

 

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