Le manuscrit des chiens II : Quelle merveille !
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Tandis que Macbeth se fait une place au Soleil, Ignatius tente de sortir de l’ombre de ses nefs, en diptyque avec un western philosophique intitulé Les Nomades.
Il n’y a pas que le célèbre antre mnouchkinien au Théâtre du Soleil. L’annexe, baptisée « les nefs » par ses hôtes, reçoit souvent des spectacles de qualité. Un certain Jean Bellorini, devenu depuis directeur du TGP, y avait lancé sa version des Misérables, il y a de cela quatre ans seulement. Et on avait pu y voir également un très bon Von Horvath, il y a trois ans, monté par le Taf Théâtre. La pioche est moins heureuse cette saison avec le Théâtre du Voyage, qui présente un diptyque pourtant alléchant sur le papier. Premier volet : Les Nomades – que nous n’avons pas vu – s’annonce comme un « western philosophique » basé entre autres sur des textes de Nietzsche et Deleuze. Le second était d’allure tout aussi prometteuse puisqu’il repose sur le fameux et unique roman de John Kennedy Toole, La Conjuration des imbéciles. Traduit en dix-huit langues, vendu à un million et demi d’exemplaires, ce torrent noir d’un homme inadapté à la société, qui promène sur elle un regard sans tabou, extra-lucide et ultra drôle, a reçu en 1981 le prix Pulitzer. Un succès bien tardif, car en 1969 son auteur s’est suicidé, persuadé d’être un écrivain raté : son livre avait été partout refusé.
Détestable et drôle
Le titre de la pièce, Ignatius, reprend le nom de l’anti-héros du roman, qui vit chez sa mère à la Nouvelle-Orléans, sort difficilement de son lit et d’un chagrin d’amour, et déteste autant le travail que les injustices de la société. Sorte de victime d’un système qu’il méprise autant que celui-ci le rejette, cet inadapté jouit d’une culture et d’un phrasé qui le rendent détestable et drôle, d’une intelligence et d’une morgue souvent à la limite de l’arrogance. Le matériau était donc bien choisi et l’acteur incarnant ce personnage étrange, promenant sa nonchalance et sa fragilité, l’était tout autant. Mais le monologue romanesque Ignatius, des idiots et des fous est entrecoupé de réflexions issues d’auteurs célèbres – Cervantès, Dostoievski ou Nietzsche – qui viennent inutilement souligner le propos et régulièrement briser la dynamique théâtrale. Une interprétation inégale, une scénographie où l’économie de moyens flirte parfois avec la pauvreté visuelle, des intermèdes cabaret pas toujours réussis et un manque général de ressort dramatique finissent par étirer une histoire qui pourtant ne manquait pas d’allant.
Eric Demey
Les Nomades, du 28 mai au 1er juin et du 11 au 15 juin. Ignatius, du 4 au 8 juin. Intégrale les dimanche 1er et 15 juin. Du mercredi au samedi à 20h. Le dimanche à 15h30. Tél. : 01 45 35 78 37. Duré : 2h.
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