La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Hypérion

Hypérion - Critique sortie Théâtre Aubervilliers Théâtre de la Commune
© Christophe Raynaud de Lage

Théâtre de la Commune / d’après le roman d’Hölderlin / adaptation de Marie-José Malis et Judith Balso / mes Marie-José Malis

Publié le 1 septembre 2014 - N° 223

La nouvelle directrice du Théâtre de la Commune inaugure la saison avec l’adaptation d’Hypérion, d’Hölderlin. Au-delà du scandale avignonnais, un spectacle à découvrir pour qui aura l’audace d’entrer dans le « théâtre de la pensée » que revendique Marie-José Malis.

Les orfraies sont ces rapaces briseurs d’os dont les cris terrifient les superstitieux. Dans la nuit d’Avignon, à l’heure où l’oiseau de Minerve prend son envol, on a longuement entendu le chœur des orfraies. Opprobre jeté sur Hypérion, trop long, trop lent, trop indigeste ; accusation faite à sa metteur en scène d’être une dangereuse activiste, tenant haut le brandon de la colère contre l’injustice faite à ceux de sa profession, et le mépris de la jeunesse insultée par une politique crépusculaire. Les débats sur les modalités de la contestation festivalière sont désormais clos, et les artistes qui ont joué ont allègrement signifié au pouvoir le ridicule de ses représentants – ainsi le vitriol hilarant d’Orlando – ou les errements de ses décisions – ainsi la salutaire leçon d’histoire de Guénoun et Schiaretti dans Mai, juin, juillet. Hypérion se relèvera certainement du comptage des nombreux départs de la salle. Demeureront toujours, dressés dans la clarté du geste créateur assumé, les artistes, dont les œuvres valent davantage que le bien ou le mal qu’on dit d’elles, comme le remarquait Maurice Nadeau.

Le temps rendu au temps, la pensée à la pensée

Pour réclamer une politique solaire et soutenir la jeunesse héroïque susceptible de la désirer, Marie-José Malis a choisi les passages déclaratifs du roman de Hölderlin, où Hypérion et ses compagnons s’adressent à leur siècle, et discutent entre eux d’une organisation politique à se donner. On ne s’étonnera pas qu’il faille du temps pour cela, qu’il faille peser le sens de chaque mot et trouver la diction qui redonne à tous les concepts galvaudés leur plein sens. Marie-José Malis laisse le temps à la pensée de se déployer, au risque de se perdre et de se diluer peut-être : mais son saisissement requiert cette patience et cette humilité. Il faut accepter de se laisser prendre dans le flux du texte, de se laisser bercer, tour à tour obnubilé et en alerte. Le texte suit les inflexions de la musique qui le soutient : Arvo Pärt, Stravinsky, Chostakovitch offrent leur rythme aux mots, comme pour rappeler que tout discours révolutionnaire est un chant. On reproche à celui qu’orchestre ce spectacle de n’être pas joyeux : c’est sans doute oublier que la révolution se fait rarement sur des airs d’opérette, et qu’il y a de la tristesse, aussi, à admettre la nécessité du combat. La générosité des comédiens se mesure à leur obstination à soutenir les choix dramaturgiques d’une artiste qui revendique l’anticonformisme du temps rendu au temps. Des moments d’intense émotion naissent comme des pépites éblouissantes, surgies de cette veine théâtrale. Deux jeunes débutantes accompagnent la troupe chevronnée : leur fraîcheur dit la fragilité de la jeunesse, mais aussi sa sincérité et son courage. Voilà ce que nous apprend Marie-José Malis, en pensée et en acte.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Hypérion
du vendredi 26 septembre 2014 au jeudi 16 octobre 2014
Théâtre de la Commune
2 Rue Édouard Poisson, 93300 Aubervilliers, France

Mardi et mercredi à 19h30 ; jeudi et vendredi à 20h30 ; samedi à 18h ; dimanche à 16h. Tél. : 01 48 33 16 16. Durée : 5h avec entracte. Spectacle vu lors du Festival d’Avignon 2014.

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